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grès et la science ont mis à notre disposition ? Que les artistes se lèvent donc, et qu’ils marchent en avant ; qu’ils usent sans crainte de tous les moyens musicaux qu’ils possèdent, et qu’ils soient de leur temps. Ils auront raison, à la seule condition qu’ils travaillent dans toute la sincérité de leur conscience artistique. C’est la condition fondamentale et primordiale, sans laquelle il n’est pas d’œuvre durable, sans laquelle il n’est pas de véritable art. C’est la conscience artistique qui leur montrera s’ils doivent écrire simple ou compliqué, et c’est elle encore qui guidera les artistes dans le choix des matériaux à employer.

Certes, les hommes qui travailleront ainsi sauront toujours repolir le miroir de leur âme et découvrir une des faces de la Beauté ; ils seront de leur temps, nécessairement, quoi qu’ils fassent, et sans qu’ils le veuillent ; ils seront même en avance, peut-être, s’ils ont du génie ; et, si « exagérées » que paraissent leurs œuvres aux yeux du vulgaire, ils auront toujours droit à l’estime et au respect.

Voulez-vous savoir l’opinion des contemporains de Beethoven sur les œuvres du maître immortel ? Je n’en citerai qu’un exemple, mais typique. Parlant de la première symphonie, la Gazette musicale de Leipzig s’exprime en ces termes : « C’est une caricature d’Haydn, poussée jusqu’à la bizarrerie. » Caricatural et bizarre, ce qui nous paraît aujourd’hui si anodin ! Tel était pourtant le jugement des critiques du temps[1]. Cela n’empêchait d’ailleurs pas Beethoven (dont on oppose toujours aux « jeunes » la belle simplicité) de préférer de beaucoup à ses premières œuvres sa neuvième symphonie et ses derniers quatuors, compositions, cependant, si compliquées (en apparence) qu’elles ne furent comprises que bien

longtemps après, si même elles le sont entièrement de nos jours.

Il y a donc en musique, autre chose que la simplicité de l’écriture, quelque chose de plus important que cette simplicité extérieure et qui fait que des œuvres s’imposent à la postérité : il y a, autrement nécessaire et fondamentale, la solidité de la construction musicale, la clarté du plan et la bonne ordonnance de la composition, et c’est là la vraie simplicité en musique, aussi essentielle que l’autre est facultative.

A. Mariotte.

LA SAINTE-CÉCILE

Dans quinze jours, sociétés chorales, harmonies et orphéons vont fêter Sainte-Cécile à leur façon habituelle. Ce jour-là, on met les pieds à l’église et l’on y déchaîne un fatras d’élucubrations que nous sommes heureux d’attacher au pilori musical. Pour les harmonies, on choisit dans le répertoire courant les œuvres qui présentent un peu de recueillement, arrangements d’opéras dont les plus respectueux du saint lieu suppriment le pas redoublé final, et encore ! On y chante généralement quelque messe orphéonique que les Maîtres du genre, Lambillote locaux, osent signer de leurs noms[2]. Les Gloria en sont d’ordinaire pompeusement magnifiques et vous ont des airs guerriers à

  1. Voir les livres traitant de Beethoven. Notamment de Lenz. Beethoven et ses trois styles. L’article cité est de 1804.
  2. Dimanche dernier, dans une église proche de l’avenue de Saxe, nous avons entendu chanter une Messe pour soprano et basse (!) amas de lamentables ritournelles, laissés-pour-compte de vieux opéras, harmonisées de la façon la plus inattendue, véritable défi au bon goût et au bon sens. Un de nos collaborateurs nous dira prochainement dans une série d’articles sur la musique religieuse, ce qu’est la musique dans les églises et ce qu’elle doit être. Mais il nous est impossible de pas signaler en passant la lamentable élucubration entendue avant-hier et auprès de laquelle, la Prose de la fête de la Toussaint, une de ces détestables proses lyonnaises du xviiie siècle, si vulgairement rythmées, parut presque supportable. Puisse Pie x étendre bientôt à toute la chrétienté l’excellent règlement sur la musique religieuse qu’il élabora et fit appliquer dans son diocèse en 1895, lorsqu’il était patriarche de Venise !