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revue musicale de lyon

Tour-Pitrat, à Lyon, ont, grâce à l’adoption de l’édition bénédictine et aux leçons de maîtres expérimentés, remis en honneur le chant traditionnel. Mais qu’elles sont rares encore, et qu’il y aurait à faire, surtout dans notre ville de Lyon, pour revenir aux temps regrettés où le chant grégorien dit, dans sa partie propre à chaque office, par une Schola, et dans sa partie commune, par toute l’assistance des fidèles, faisait le fond des offices divins.

Les positions perdues par le plain-chant ont été prises par la musique, puisqu’il faut bien chanter quelque chose à l’Église. Et nous voyons tous les jours ce spectacle étonnant pour qui veut réfléchir. Dans le chœur se déroule la cérémonie sacrée, messe, vêpres ou bénédiction du Saint-Sacrement ; le clergé, parfois même les officiants, diacre et sous-diacre, disent le bréviaire, les fidèles sont plongés dans la lecture des livres pieux, habituellement étrangers à l’office lui-même ou attendent patiemment, en comptant les becs des lustres, qu’on ait fini ; seuls, quelques chanteurs logés dans la tribune de l’orgue prennent part matériellement à l’office en disant en musique figurée les chants communs de la messe ou des vêpres. Et ainsi voilà un office dont toutes les paroles, toutes les cérémonies, tous les chants ont été conçus par l’Église dans le but de faire participer l’assemblée des fidèles au sens des divins mystères et qui reste lettre morte pour tous ; parce qu’on n’y prend plus qu’une part toute passive.

Qu’on admette habituellement un chœur chargé de l’exécution du propre de l’Office trop variable et trop difficile pour être exécuté par la masse des fidèles ; qu’on charge aussi un chœur de musiciens d’interprèter, aux fêtes, la partie commune d’une messe en musique figurée, c’est bien ; mais qu’habituellement les offices soient célébrés devant une assistance purement passive et réduite au rôle d’auditeur, c’est une anomalie qui devrait disparaître

(dans un prochain article nous tâcherons d’indiquer les moyens de hâter cette disparition).

Si encore, les musiciens donnaient une musique vraiment appropriée au lieu où elle se donne et au but qu’elle poursuit. Trop, trop souvent, elle est irrespectueuse du texte liturgique, ou bien oublieuse de ce que j’appellerai les convenances liturgiques.

Les auteurs de la musique d’Église n’ont pas le choix du texte qu’ils illustreront : il leur est imposé et consiste en des paroles sacrées, vieilles quelque-unes de vingt siècles et dont ils doivent s’inspirer : or il y a plusieurs manières de ne pas respecter ce texte liturgique.

Sans aller habituellement jusqu’à l’ignorance absolue, que j’ai pu constater en surprenant dans la sacristie de la basilique de Saint-Maximin (Var), un feuillet de musique qui portait comme titre : « Tanto mergo », l’insouciance du texte liturgique se manifeste souvent par des additions ou des soustractions inopportunes : deux pièces de Gounod servirent d’exemples. Dans le Gloria de sa Messe de Sainte-Cécile, ce maître ajoute, comme final à un duo d’ailleurs assez théâtral, deux mesures sur ces mots, Domine Jesu, lesquels se trouvent bien un peu plus loin dans le texte liturgique, mais point du tout à cette place. De plus, il intervalle entre les Agnus Dei, un Domine, non sum dignus réservé au seul prêtre. Dans son fameux Ave Maria, bâti sur un prélude de Bach, le même maître retranche de la seconde partie de la pièce les mots Mater Dei, qui, cependant, ont bien leur importance, puisqu’ils indiquent le plus grand titre de gloire de la vierge : sa maternité divine.

C’est encore une autre altération du texte liturgique que les répétitions indiscrètes des mêmes mots. À quoi bon répéter dix fois cum Sancto spiritu, et trente fois Amen. En attendant, à la fin d’un

Gloria, cum Sancto Spiritu, on se dit que