Aller au contenu

Page:Revue Musicale de Lyon 1903-12-22.pdf/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
revue musicale de lyon

gardera la burg. Gunther et Siegfried partent pour la Roche du Sommeil.

Resté seul, rêvant au bord du fleuve, le fils d’Alberich songe. Au loin la fanfare de Siegfried (vi) s’éloigne. Le thème de l’anneau (i), les sombres accords qui résonnaient déjà lorsque Alberich venait guetter aux abords de l’antre de Fafner, la plainte des filles du Rhin (vii), nous révèlent les projets qui traversent l’esprit du triste frère de Gunther. La brume s’épaissit sur la scène. Les motifs de la chevauchée (v) et celui de Brünnhilde réveillée à l’amour (iv), s’appellent et s’enchevêtrent. Nous voici transportés de nouveau à la Roche du Sommeil.

La Walkyrie songe à son époux combattant au loin. Des stridences, un mouvement au milieu des nues l’éveillent. Les accords descendants de la chevauchée[1], le motif arpégé qui symbolise l’échevêlement des nuages, se succèdent sur un rythme précipité. C’est Waltraute, une Walküre, une sœur de Brünnhilde, qui bravant l’ordre de Wotan, a franchi l’espace depuis le Walhall jusqu’au Rocher où Loge veille. Longuement elle dit la détresse des Alfes divin ; Ygdrasil abattu et la Lance brisée ; et Wotan morne, résigné au Crépuscule déjà grandissant, et refusant de toucher aux pommes de Freya, symbole d’éternelle jeunesse. À ce désespoir, à cette fin prochaine, un seul remède : effacer la Malédiction qui pèse sur le monde, sans quoi les dieux mêmes vont périr. Que Brünnhilde rende aux filles du Rhin, l’anneau maudit par Alberich, et le monde sera purifié : le Rhin à jamais gardera l’Or. Mais cet anneau, c’est le gage d’amour que Siegfried partant a laissé à son épouse. Rien ne peut décider la Walküre à le livrer. L’amour des héros est plus pour elle que la vie même du dieu. Que le

monde s’abîme, que tout périsse, elle ne livrera point le gage de sa foi. Waltraute épouvantée s’enfuit.

Cependant le crépitement des flammes dont on ne voyait que le reflet au loin, s’accentue et progresse. Un visiteur survient-il donc ? Seul Siegfried peut traverser le feu. Au-devant de lui Brünnhilde s’empresse. Horreur ! ce n’est pas lui. La fanfare des Gibichungen a retenti. Un guerrier couvert du heaume s’avance. C’est Gunther, ou plutôt c’est sous les traits de celui-ci que Siegfried vient pour la seconde fois conquérir Brünnhilde. Mais elle ne dort plus du magique sommeil. Ardemment elle résiste, appelant Siegfried à son aide, Siegfried qui ne peut plus l’entendre, Siegfried qui a tout oublié. Par deux fois il terrasse la vierge guerrière. Il lui arrache l’anneau et désormais soumise, il l’emmène pour la livrer à Gunther[2]

(À suivre),
Edmond Locard.

Chronique Lyonnaise

grand-théâtre


Myosotis

Le ballet de M. Philippe Flon, créé à la Monnaie de Bruxelles en 1887, repris à Liège puis à Anvers, vient d'obtenir à Lyon le plus grand et le plus légitime succès.

La donnée a le grand mérite d’être excessivement simple. Les affabulations de ces sortes de spectacles ne brillent généralement ni par la clarté ni par l’esprit. Myosotis n’est qu’un prétexte à figuration. C’est l’histoire d’un papillon butinant dans un parterre de fleurs.

Au lever du rideau, un jardinier M. Soyer
  1. Succession descendante, par intervalles chromatiques d’accords de sixte (tierce mineure et sixte mineure, premier renversement de l’accord parfait majeur).
  2. Pendant la scène du combat, aux thèmes des Walkyries (v) répondent celui de la Destinée (xiii), la malédiction d’Alberich (iii) et les faits sombres qui déjà avaient paru lorsque le Nibelung veillait devant Niedhöhle, et pendant la rêverie de Hagen, à la scène précédente.