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quatuors surent la comprendre. C’est aussi à l’abondance de la veine mélodique que l’harmonie de Franck doit son originalité, car, considérant la musique horizontalement, suivant les principes féconds des polyphonistes médiévaux, et non point verticalement comme les compositeurs de l’époque harmonique, les contours de ses phrases mélodiques donnent par leur superposition des agrégations de notes qui produisent un style autrement intéressant et séduisant que les banales ou incohérentes suites d’accords de ceux qui n’ont que l’harmonie pour objectif.

Mais c’est principalement dans le domaine de l’architecture musicale, base de toute composition, que l’esprit novateur de Franck sut se créer une place absolument à part. Il fut, en effet, le premier à tirer parti des trouvailles de Beethoven au point de vue du style cyclique, trouvailles qu’aucun successeur du génie de la forme symphonique n’avait su s’assimiler, et à employer cette forme nouvelle selon des principes logiques et ordonnés.

Dès 1841, à l’âge de dix-neuf ans, il bâtit sa première œuvre, le trio en fa dièze, sur deux thèmes générateurs qui, se combinant avec les thèmes spéciaux à chaque morceau, grandissent au fur et à mesure de leurs expositions successives et servent ainsi d’assises solidement établies à tout le cycle musical.

Au surplus, la préoccupation de toute sa carrière fut de trouver des formes nouvelles, tout en respectant à un haut degré les immuables principes de construction tonale posés par ses prédécesseurs.

Il est au reste presque impossible d’expliquer d’une façon claire et satisfaisante par des termes littéraires en quoi consistent ces innovations, et l’on se convaincra plus facilement des progrès que le maître de Liège fit faire à l’Art musical par la lecture que par la description. Néanmoins, en terminant ce chapitre, je voudrais m’arrêter un instant sur certaines pièces qui méritent une étude et une mention particulière.

(À suivre).

Vincent d’Indy.

Les Sonates de Beethoven

pour piano et violon

Les sonates de Beethoven pour piano et violon sont au nombre de 10. Mozart seul a dépassé ce chiffre. Sans parler des 35 sonatines, œuvres d’enfance, qu’il commença à composer dès l’âge de 8 ans, Mozart a écrit 18 sonates pour piano et violon. Ce sont aussi des modèles du genre. Elles sont toutes élégantes, gracieuses, spirituelles. Quelques-unes sont très belles. Elles ne sauraient toutefois soutenir la comparaison avec les sonates pour piano et violon de Beethoven, réels chefs-d’œuvre d’une beauté comparable à celle des autres œuvres du Maître composées pendant les mêmes années. On y découvre toute la variété des sentiments de l’âme humaine, de la joie, de la mélancolie, de la douleur, de la passion. N’est-il pas superflu d’affirmer qu’elles sont d’une forme impeccable et d’une construction architecturale admirable ?

Beethoven a composé la première de ces sonates à 28 ans, la dernière à 42 ans. Les trois premières sonates sont l’œuvre 12, la dixième l’œuvre 96. Elles appartiennent donc toutes à ce qu’on est convenu d’appeler la première et la deuxième manière du Maître. Les œuvres de la première manière se ressentent incontestablement de l’influence de Haydn et de Mozart ; mais dans toutes se révèle nettement la puissante personnalité de Beethoven ; dans les œuvres de la seconde manière son tempérament fougueux, passionné se donne plus ample et libre carrière. Pour certaines personnes cette deuxième période serait la meilleure, la plus belle, celle de