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l’apogée du génie. Il n’en est rien. La troisième manière est encore plus admirable. C’est la période d’éclosion des œuvres de musicalité pure les plus sublimes qui existent ; les dernières sonates pour piano, les derniers quatuors à cordes, la Messe solennelle en , la neuvième symphonie avec chœurs !

Les trois premières sonates pour piano et violon constituent la 12e œuvre de Beethoven. Elles sont par conséquent postérieures en date à ces œuvres admirables : le trio (œuvre no 3) en ut mineur la sonate pour violoncelle et piano (œuvre 5 no 2) l’exquise sérénade pour trio d’instruments à cordes (œuvre 9) etc…

Ces trois sonates sont dédiées à Salieri, personnalité musicale considérable, chef d’orchestre du théâtre italien, de Vienne. Les nombreux opéras qu’il écrivit, eurent à l’époque une grande vogue. Ils sont aujourd’hui profondément ignorés. Beethoven étudia la composition dramatique sous la direction de Salieri qui compta aussi Franz Schubert parmi ses élèves.

La première de ces sonates (œuvre 12 no 1) se compose de trois parties : un allegro con brio, un andante avec variations et un rondo final.

L’allegro à quatre temps et en ré majeur débute par un véritable appel de trompettes lancé fortissimo par les deux instruments. Ce n’est point une fanfare guerrière. C’est tout simplement une sonnerie joyeuse.

Le thème que le violon chante piano subitement après la bruyante claironnée, rayonne d’une vive allégresse. Le piano redit ensuite avec quelques modifications ce thème, tandis que le violon se charge à son tour de l’accompagnement en croches liées confié précédemment à la main droite du piano.

Ces vingt premières mesures permettent de constater :

1o Un unisson de deux instruments. De semblables unissons ou plus exactement tutti, la main gauche faisant entendre l’octave inférieur, sont exceptionnels ;

2o Un thème chanté une première fois par le violon, tandis que le piano accompagne, puis chanté à son tour par le piano tandis que le violon accompagne. Ce changement de rôle entre les deux instruments est la caractéristique de toutes ces sonates. Le piano et le violon ne cessent de dialoguer entre eux. Parfois, ils ne se répondent qu’après une phrase complète de huit mesures. Souvent les réparties sont beaucoup plus promptes. Par exemple le piano frappe deux accords sur les deux premières noires d’une mesure à quatre temps, puis laisse la parole au violon qui réplique en frappant une note simple ou un accord en double ou triple corde sur les deux derniers temps de la mesure.

La sonate piano et violon tire son grand attrait de cette alternance de phrases ou de simples réponses chantées tour à tour par deux instruments d’un caractère et d’un timbre si différents.

L’audition successive de trois sonates piano et violon ne laisse qu’une impression de charme exempte de toute lassitude. Un récital de piano se composant de trois sonates de beauté comparable, ne manquerait pas, quelque soit le talent du virtuose, d’engendrer un réel sentiment de fatigue.

Cette digression imposée par l’analyse des vingt premières mesures de la sonate en n’aura pas été inutile. Elle permettra de ne souligner dorénavant que ceux de ces passages incessants de fragments mélodiques d’un instrument à l’autre qui offrent un intérêt véritablement essentiel.

Le sentiment qui anime le premier morceau de cette sonate est la joie.

Tantôt elle s’épanche en accents doux et contenus, par exemple dans la charmante phrase que le violon dit d’abord seul, et qu’il accompagne ensuite, quand