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revue musicale de lyon

par d’immortelles productions telles que Carline, le Comte de Carmagnola, le Guerillero, Gille et Gillotin, et autres Hamlet de bas étage. {{signature|Edmond Locard

Notre excellent confrère L. de l’Express fait au sujet du répertoire les observations suivantes auxquelles nous nous associons entièrement :

« Un vieil amateur de théâtre me demande pourquoi l’on ne joue plus les opéras du « répertoire » et pourquoi l’on a rayé de l’affiche du spectacle des œuvres telles que le Prophète, Hamlet, la Juive, Sigurd, Guillaume Tell, les Huguenots, etc.

Mon aimable correspondant ne me pose évidemment cette question que pour la forme. Car il y répond lui-même avec beaucoup d’apropos en constatant que nous n’avons aujourd’hui ni ténor, ni baryton, ni contralto, ni chanteuse légère, pour interpréter ce répertoire.

Vous figurez-vous, par exemple, Hamlet avec M. Rouard et Mme Davray comme protagonistes ? Et, dans Guillaume Telle, serait-ce M. Verdier ou M. Gauthier, M. Boulo ou M. Viviany qui se chargerait du rôle d’Arnold ?… Je ne parle pas des opéras de Meyerbeer qui exigent un ensemble d’artistes vraiment solides et nombreux.

Mon correspondant regrette mélancoliquement l’époque de la direction Poncet, où toutes ces œuvres étaient supérieurement interprétées par M. et Mme Escalaïs, Mmes Fiérens et Bossy, MM. Boudouresque, Noté Berlhomme, Mondaud, Cossira, etc… Et il me demande de réclamer en faveur de l’opéra français.

Réclamer !… Mais je ne fais que cela du matin au soir. Voilà bientôt trente ans que je réclame… À ce métier de « réclameur » endurci, j’ai même gagné une déplorable réputation de grincheux et de dyspeptique très préjudiciable à mon établissement.

Ne serait-ce pas maintenant au tour du public à réclamer un peu ? Pourquoi les braves amateurs qui se contentaient à peine autrefois des belles interprétations que rappelle mon correspondant, pourquoi subissent-ils aujourd’hui sans protester, veules et résignés, les piteuses représentations de la régie municipale ?…

C’est au public à sortir de son apathie s’il veut obtenir des artistes capables d’assurer à notre première scène des spectacles suffisamment variés et d’une tenue irréprochable. Les moyens ne lui manquent pas pour cela, chacun pouvant recourir à la grève, aux pétitions, ou même au sifflet à roulette.

Affaire de tempérament. »

LES CONCERTS

Concert Colonne

Mardi dernier (23 février), avait lieu au cirque Rancy un concert donné sous la direction de M. Édouard Colonne, par l’orchestre Colonne, ou plutôt, selon le joli mot d’un de nos confrères, par la « section de voyage » de cette illustre Société.

Nous ne nous arrêterons pas à remarquer la différence existant entre l’orchestre normal du Châtelet qui compte plus de cent exécutants et cette section de voyage qui en comprend soixante-dix à peine, ni à constater que certains pupitres étaient incomplets (clarinettes, bassons) et nous nous contenterons, tout en rendant hommage au grand intérêt d’une exécution presque toujours excellente, de critiquer un peu la composition du programme de cette soirée.

Tout d’abord, M. Colonne et son orchestre arrivent peut-être un peu tard — en 1904 — pour nous révéler la Symphonie fantastique de Berlioz. Elle a été bien souvent entendue depuis 1845, époque à laquelle Berlioz lui-même la fit jouer par l’orchestre du Grand-Théâtre dans un concert dont il nous a laissé une spirituelle relation[1] et au cours duquel, le fameux Georges Hainl, chef de l’orchestre lyonnais, tint successivement les parties de violoncelle, de cymbales, de timbales et de harpe.

Du reste, puisque l’époque du centenaire de Berlioz et des panégyriques de circonstance est passée, il est bien permis d’avouer que la Symphonie fantastique, dont on a assez vanté les beautés, apparaît aujourd’hui comme une œuvre trop uniquement exté-

  1. V. Revue Musicale de Lyon no  du 20 octobre 1903.