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rieure, bien vieillottement romantique avec son pittoresque de pacotille, son ingéniosité passée qui, après soixante-dix ans, nous semble souvent enfantine et bien « ficelle », et son incohérence qu’excuse à peine l’argument du programme, cette navrante histoire, — si 1830 — de désespoir d’amour et d’empoisonnement par l’opium.

Mieux vaut cette jolie Valse des Sylphes, délicatement aérienne, sur laquelle, si nous en croyons un de nos confrères politiques, l’orchestre « s’est déchainé[1]… »

Il n’était peut-être pas non plus bien opportun de nous révéler les charmes incontestables de l’Arlésienne que nous avons eu l’occasion d’entendre bien souvent à Lyon, et l’an dernier encore, dans des conditions déplorables du reste, au Grand-Théâtre, sous la direction de M. Rey.

Et surtout il était tout à fait contre-indiqué de jouer la Marche Hongroise puisque, un mois avant l’annonce du concert Colonne, M. Chevillard avait porté sur son affiche du concert d’hier cette même Marche de Berlioz. Il y a là une recherche bien inutile de concurrence, car si ces concours entre chefs d’orchestre sont, sinon intéressants, du moins amusants et piquants à Paris, où fleurissent les concerts dominicaux, ils sont tout à fait inutiles à Lyon où nous n’avons qu’exceptionnellement des concerts d’orchestre et où, par suite, nous serions très désireux d’entendre des œuvres nouvelles, ou du moins, peu connues.

Le programme était complété par trois parties des Impressions d’Italie, de Charpentier : Sérénade, À mules et Sur les cimes.

Comme toujours, on a vivement goûté l’impressionisme, le pittoresque tout extérieur de cette œuvre charmante dont on ne peut nier l’adresse, la délicatesse de timbres, d’harmonies, la luxuriante débauche de couleurs et de rythmes et dans laquelle Gustave Charpentier a employé tous les effets orchestraux possibles : soli d’instruments, pavoisons des violoncelles, étincellement des harpes, coda où la mélodie s’éteint, semble s’évanouir en des pianissimi exquis que des échos prolongent… Le tout agencé avec une adresse, une roublardise étonnante, et disons le mot, truqué de la façon la plus ingénieuse.

Cette musique tant « en dehors » convient du reste admirablement au talent de M. Colonne dont la direction est tout à fait… berliozienne dans toute l’acceptation de ce mot, c’est-à-dire essentiellement extérieure. Il paraît difficile de critiquer le plus connu de nos chefs d’orchestre français qui jouit en France et surtout à l’étranger d’une véritable célébrité justifiée du reste par ses voyages, son activité et son dévouement à la cause de Berlioz, dieu dont il s’est fait le prophète, et qu’il soutient avec une ardeur, une vaillance, une ténacité et un entêtement admirables. Mais nous avouons préférer de beaucoup à sa direction très extérieure et trop adroite avec ses oppositions perpétuellement exagérées de fortissimi assourdissants et de pianissimi, celle plus intime, plus émue, plus humaine en un mot et, par suite, plus vraiment musicale, de M. Camille Chevillard que nous avons entendu hier au soir[2].

Léon Vallas.

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Concert Rinuccini-Geloso

MM. Rinucini et Geloso ont brillamment achevé lundi soir 22 février leur cycle des dix sonates de Beethoven pour piano et violon.

Leur interprétation des trois dernières sonates a été absolument remarquable. Elle eût été parfaite si M. Rinuccini n’eût paru dans certains passages du presto de la sonate à Kreutzer quelque peu parcimonieux de l’amplitude de son coup d’archet. À être joué lus largement le morceau eût gagné en grandeur sans rien perdre de sa fougue. C’est la seule restriction, bien légère, à faire aux éloges hautement mérités par MM. Rinuccini et Geloso. Tout le reste du programme a été magistralement rendu. Ces deux

  1. Cette appréciation imprévue (oh ! le déchaînement de l’orchestre sur la Valse des Sylphes) nous la devons à un de nos plus puissants confrères, coutumier du reste, de sensationnelles informations artistiques ; n’est-ce pas ce même journal qui, en octobre 1902, en annonçant officieusement les projets de M. Mondaud pour la saison théâtrale 1902-1903, écrivait : « On sait que l’Or du Rhin est le premier ouvrage de la trilogie wagnérienne ; les autres sont la Jeunesse de Siegfried et la Mort de Siegfried. On prête à M. Mondaud l’intention de monter ces trois ouvrages… »
  2. Le compte-rendu du concert Lamoureux paraîtra dans notre prochain numéro.