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situation actuelle, grâce à un travail acharné qui a fait richement fructifier ses merveilleux dons naturels. Dvorak a fait pour la Bohême ce que Grieg a fait pour la Scandinavie. Il a avec beaucoup d’art, encastré dans ses œuvres un grand nombre d’airs populaires et de danses de la Bohême. Si le plus souvent il a très bien réussi à mettre en relief toute la saveur et le charme poétique des chants de son pays, il n’a pas toujours sur éliminer certains rythmes d’une triviale banalité. Deux ou trois de ces rythmes se retrouvent dans la finale et dans l’allegro vivace du quatuor no 105. Néanmoins, ce quatuor de quatrième des cinq composés par Dvorak, mérite de figurer au répertoire de toutes les réunions de musique de chambre. Tout le premier morceau est très beau, le lento molto cantabile d’un grand style. Il va sans dire qu’il n’est pas possible de concevoir une meilleure exécution de ce quatuor que celle que les Tchèques nous ont donnée.

Le dixième quatuor en mi bémol (op. 74), de Beethoven est un des plus magnifiques spécimens de sa seconde manière. On le désigne quelquefois sous le nom de Quatuor des harpes, en raison des pizzicati que les quatre instruments se renvoient mutuellement. Tout le premier morceau est traversé par un souffle héroïque. L’adagio est une inspiration sans égale, aussi sobre que bien conçue. La première partie du scherzo en ut mineur est tourmentée et dramatique. Le trio en ut majeur est d’un effet puissant. Le final avec variations est de tout point admirable. Le thème d’une tendresse infinie est un hymne d’amour incomparable. Les variations que Beethoven a écrites avec ce thème sont incontestablement les plus belles qui existent.

Tous les sentiments que Beethoven a mis dans son œuvre, les Tchèques ont su magnifiquement les communiquer à l’auditoire. Ils ont été parfaits. La salle entière remuée et vibrante leur a fait une chaleureuse ovation.

Le quatuor tchèque a parcouru depuis douze ans tous les centres artistiques du monde. Il a été fondé et instruit par M. Wihan, le violoncelliste actuel. M. Wihan, alors professeur au Conservatoire de Prague, avait fait choix des quatre meilleurs élèves de cet établissement. Pendant quatre ans il leur fit travailler plusieurs heures par jour les quatuors des grands Maîtres. Ce n’est que lorsqu’il fut pleinement satisfait, qu’il permit à ses élèves de prendre leur vol. Leur première tournée fut un véritable triomphe. Malheureusement au bout de quelques mois le jeune violoncelliste fut emporté par une maladie. M. Wihan prit alors l’emploi de violoncelliste dans le quatuor qu’il avait formé. Ces quatre artistes de premier ordre s’entretiennent chaque jour par un travail personnel régulier et des répétitions d’ensemble. L’étude sans relâche, tel est le secret de la perfection que cette phalange d’élite a pu atteindre et dans laquelle elle sait se maintenir.

Nous souhaitons de tout cœur que le Quatuor tchèque qui était déjà venu deux fois à Lyon, n’oublie pas le chemin de notre ville. Nous lui disons merci et au revoir.

P. F.

Audition d’Œuvres nouvelles

Mardi dernier, Salle Philharmonique, était donnée une audition d’œuvres nouvelles éditées par la maison Bellon et Ponscarme, de Paris.

Il faudrait plusieurs auditions attentives pour porter un jugement définitif sur le mélancolique et enveloppant quatuor du regretté Chausson, sur la pittoresque et quelque peu scandinave Sonate de Szulc qui rappelle tour à tour Grieg, Chopin et Rubinstein ; enfin sur la Sérénade de J. Guy-Ropartz, exquise et délicatement instrumentée. Nous dirons seulement que le quatuor avec piano d’Ernest Chausson nous a paru fort beau, surtout en son premier mouvement, d’une ligne élégante et sûre, malgré les raffinements des harmonies et la délicatesse subtile des modulations, et en son magnifique andante d’une architecture précise et d’une noble élévation. Le finale nous a moins plu par la présentation et le développement des idées qui, à première audition, étonnent quelquefois.

La pièce de Paul de Wailly (Marche) inscrite au programme, nous a par contre paru fort longue et peu distinguée malgré ses prétentions au pittoresque champêtre et un incontestable facilité d’écriture. Il n’y a rien à dire d’une Berceuse pour instruments à cor-