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lier danois, massacré par M. Soubeyran, furent convenablement tenus par Mmes Milcamps, Hendrickx, de Véry, Pierrick, Streletski et par MM. Dangès et Roosen. La Haine fut personnifiée avec une vigueur remarquable par Mlle Claessen, notre excellente falcon.

La Direction s’est mise en frais pour la création d’Armide ; elle a fait brosser des décors qui voudraient être magnifiques et qui sont laids et criards : les jardins d’Armide, en particulier, sont un chef-d’œuvre de mauvais goût, avec leur végétation banale, leurs tons crus et leurs charmilles en plat d’épinards. Elle a aussi fait l’emplette de costumes neufs pour le ballet (Mlles Cerny et Saint-Cygne ont des toilettes admirables), mais elle a nippé les figurants de défroques connues, ternies et dépareillées, de tous les styles et de toutes les époques.

La mise en scène est, comme toujours, nulle ; et l’on ne peut même louer sans restriction notre excellent orchestre, car il aurait fallu, dans l’interprétation de la musique de Gluck une légèreté de touche qu’étaient loin de réaliser les lourds mugissements des contrebasses marquant les temps forts, péniblement, « avec des han ! de porteur d’eau », offrant aux arabesques des cordes élevées un soubassement massif et disproportionné. Et l’on aurait pu souhaiter aussi plus de mise en relief des parties intermédiaires des altos et violoncelles qu’on entendait avec peine et qu’il fallait vraiment deviner.

Nos lecteurs, qui n’ont pas encore assisté aux représentations d’Armide, s’imagineront peut-être que nos critiques sont excessives. Les articles parus dans les quotidiens les inciteraient sans doute à cette appréciation ; il se pourrait fort cependant que ceux d’entre nos lecteurs, qui tiennent à se rendre compte par eux-mêmes, partageassent bientôt la manière de voir moins indulgente qui est la nôtre et qui, d’ailleurs, se dissimule vraisemblablement entre les lignes des articles d’apparence plus modérée.

Léon Vallas.

INAUGURATION du CONSERVATOIRE

Elle eut lieu, sans grande pompe et sans musique, dimanche matin, sous la présidence de M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique, assisté de M. Henri Marcel, directeur des Beaux-Arts.

Et de cette cérémonie banale il n’y a rien à retenir sinon quelques extraits, que nous transcrivons ci-dessous, du discours de M. Augagneur.

« Depuis quatre ans, Monsieur le Ministre, nous avons construit cet édifice, où le Conservatoire de musique trouvera une demeure digne de ses professeurs et de la valeur de son enseignement. Nous avons fait plus : nous avons, cette année, augmenté les crédits de l’établissement, pour permettre l’ouverture de classes nouvelles, classes d’ensemble, d’orchestre, de musique de chambre. Nous espérons que l’État voudra bien, lui aussi, contribuer à ce perfectionnement de l’enseignement musical, dans cette succursale du Conservatoire de Paris, qui aspire à être la première des succursales de province.

« Pour la musique, nous avons fait plus encore, en prenant les théâtres en régie directe. Hier, vous avez assisté à la représentation d’Armide, qui jamais n’a encore été reprise en France ; l’an dernier, notre théâtre a donné la Tétralogie de R. Wagner et, dans notre pays, personne avant nous n’avait encore réalisé cette considérable entreprise…

« Il y a deux ans, Monsieur le ministre, vous inauguriez l’Asile des Invalides du Travail. Nous avions commencé notre œuvre par l’accomplissement du devoir civil d’assistance : nous la continuons aujourd’hui par l’ouverture de ce palais, destiné à la vulgarisation et au développement des arts. En poursuivant parallèlement le développement de l’art et celui de l’assistance, nous croyons remplir les devoirs que nous a imposés la démocratie de cette grande cité. Dans notre société d’aujourd’hui, plus encore dans notre société de demain, l’art doit remplir un rôle considérable. Si je ne craignais pas de paraître paradoxal, de sembler forcer les rapports des choses, je dirais que le souci de distribuer l’art se rattache étroitement au souci de distribuer l’assistance, que plus directement encore l’art se rattache à l’instruction publique.

« L’instruction envisagée comme un moyen de mettre l’homme en communication directe, étroite, exacte avec les êtres et les choses, se complète par l’éducation artistique. L’esthétique étend le domaine des sensations et, par contre-coup, le domaine des idées suscitées par des sensations nouvelles. L’art est moralisateur, parce qu’il étend le domaine des conceptions et de l’activité cérébrale, occupe l’oisiveté par l’entraînement de l’esprit à jouir des