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et quelques souscripteurs, on ne peut relever qu’un seul nom français, celui d’une demoiselle Mimi Desplaces, habitant Berlin.

Friedrich Wilhelm Rust naquit à Wœrlitz en Saxe, le 6 juillet 1739, et commença, comme Emmanuel Bach, par étudier le droit, puis, délaissant les Pandectes pour le contrepoint, il reçut les premiers principes de musique de son frère Anton Rust, qui avait fait partie, en qualité de violoniste, de La Chapelle du vieux Sébastien Bach à la Thomasshule de Leipzig. Il travailla ensuite la composition sous Friedmann Bach, et après un séjour en Italie, où il fréquenta Tartini, il devint, en 1775, directeur de la musique du prince Léopold iii d’Anhalt, qui se montra pour lui plus ami que souverain, et mourut à Dessau, le 28 février 1796, l’année même où Beethoven publiait ses trois premiers trios, œuvre i.

Rust était donc aussi un continuateur de la grande école des Bach, où il puisa la profondeur de pensée et la solidité d’écriture.

Son style ne ressemble en rien à celui de ses contemporains immédiats Mozart et Haydn ; il est incontestablement beethovénien d’esprit, et, s’il ne modifie pas la forme-sonate établie avant lui par Emmanuel Bach, il donne à cette composition un nouvel aspect en adoptant pour quelques-unes de ses sonates une construction cyclique au moyen de la réapparition de motifs principaux dans les diverses parties de l’œuvre, source de cohésion inconnue avant lui.

Les œuvres de Wilhelm Rust, pour la plupart épuisées ou restées en manuscrit, furent publiées, il y a à peine une vingtaine d’années, par les soins de son petit-fils, cantor de Saint-Thomas de Leipzig, et du docteur Erich Prieger de Bonn, l’un des plus érudits musicographes de l’Allemagne, possesseur de la plus riche et la plus merveilleuse collection d’autographes que l’on puisse rêver.

C’est à l’amabilité du docteur Prieger, lors d’un séjour que je fis à Bonn il y a quelques années dans le but d’entendre les neuf symphonies de Beethoven selon leur véritable tradition, que je dois la connaissance plus approfondie de l’œuvre de Rust et plus récemment, de fort intéressantes communications sur des textes encore inédits de cet auteur.

(À suivre).

Vincent d’Indy.

La Suite Instrumentale

(suite)

À l’origine, comme nous l’avons dit, la danse et la mélodie que les danseurs chantaient en dansant, étaient une seule et même chose. — Les instrumentistes se sont emparé de ces mélodies et les ont exécutées sans paroles ni danses ; ils ont composé de nouvelles mélodies gardant le caractère de la mélodie dansée qu’ils imitaient, puis ont joué plusieurs danses à la suite, et toute l’histoire de la Suite est là.

L’ancien nom de la suite est Sonata da camera, (Sonate de chambre, opposée à la Sonata da chiesa, Sonate d’Église) ; c’est l’œuvre de musique instrumentale laïque, mondaine. La dénomination de balleto est identique à la précédente. On trouve le terme Suite dans les recueils des luthistes français du xviie siècle, mais à côté de ce dernier on trouve également pour la musique de clavecin, celui de Partita, et dans les œuvres de Couperin celui d’Ordre[1]

Pour l’unité de la Suite on a donné d’abord à tous les morceaux qui la composent une tonalité unique.

L’effort artistique a recherché ensuite pour le groupement des diverses danses en Suite, l’agencement à la fois divers (mouvements et caractères différents), et

  1. A. Riemann. Dictionnaire.