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Glück ou Gluck

Faut-il orthographier Gluck ou Glück, le nom du composteur d’Armide ?

La question semble n’avoir d’autre importance que celle d’un tréma de plus ou de moins. Mais elle a aussi celle d’une différence de prononciation.

S’il s’agissait d’un nom italien, elle ne se poserait même pas. Les italiens ignorent la notion de l’u, mais il n’en est pas de même en allemand où l’on connaît les deux sons : u et ou. Tous les deux sont représentés par la même lettre, u, mais dans le premier cas, cet u est surmonté d’un tréma ; dans l’autre, non.

Si donc le nom de l’auteur d’Alceste s’orthographiait Gluck, il faudrait prononcer « Glouck », et « Gluck » s’il s’écrivait Glück.

M. Julien Tiersot a récemment publié dans le Temps les résultats de ses recherches sur cette question.

Ayant, dit notre confrère, consulté tous les documents que nous fournit sur ce point la bibliothèque du Conservatoire, nous les avons trouvés unanimes. Biographies, pièces d’archives, titres de partitions françaises, allemandes, italiennes, tous s’accordent à écrire Gluck sans tréma.

Les textes imprimés seraient-ils récusés comme d’insuffisantes autorités ? Nous avons des autographes sur lesquels nous pouvons faire des observations identiques. Voici, par exemple, une lettre inédite ; l’occasion est bonne pour la mettre au jour et l’ajouter aux rares pièces du même genre que l’on connaissait déjà. Gluck l’écrivit de Vienne à Devismes, qui, nouvellement nommé à la direction de l’Opéra, grâce à l’influence de Campan, valet de chambre de la reine, et de La Borde, ancien valet de chambre du roi, allait bientôt mettre en scène ses deux derniers ouvrages : Iphigénie en Tauride et Écho et Narcisse.

Monsieur,

J’ai reçu avec beaucoup de plaisir votre obligeante lettre, et j’ai été très sensible aux marques d’amitié, ainsi qu’aux expressions obligeantes que vous me témoignez ; je souhaite que quelque jour l’occasion se présente ou je puisse vous montrer toutte ma reconnoissance ; en attendant, je vous souhaite le plus heureux succès de votre entreprise, le quel selon le pressentiment de mon cœur ne vous manquera pas, car vous avez toutes les qualités propres pour y réussir. Il ne me reste qu’à vous prier de la continuation de votre chère amitié, et d’être persuadé des sentiments d’estime et de considération, avec les quels j’ai l’honneur d’être

Monsieur

Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Chevalier Gluck.

de Vienne, 1 April 1778.

P. S. Je vous prie de faire mes complimants à Monsieur de Campan.

de Vienne

À Monsieur, Monsieur de Vismes,

place des Victoires à Paris

La signature, très bien formée, se termine par un petit gribouillage en guise de paraphe ; mais de tréma, pas la moindre trace.

Quant aux imprimés, beaucoup contiennent des fautes d’orthographe. C’est ainsi que nous lisons Gluck, ou Gluckh, ou Cluck ; mais pas une fois nous ne trouvons le tréma. Bien mieux : certains documents français, écrivant le nom tel qu’il se prononce, substituent ou à u. Voici, par exemple, trois titres de morceaux gravés :

Les Dons de l’Amour, Ariette, par M. le chevalier Glouck.

Duos à deux dessus avec symphonie, par M. le chevalier Glouck.

Les Regrets, ariette à voix seule, par M. le chevalier Glouck.