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Page:Revue d’économie politique, 1888.djvu/469

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Le livre de Mill, qui, sous une forme différente, a introduit en Angleterre le système de Say, a paru en 1848. Il fut immédiatement accueilli avec un enthousiasme sans réserve, et l’on crut qu’il avait élevé l’économie politique au dernier degré de la perfection ; pendant de longues années, il parut aussi oiseux de critiquer Mill que de critiquer l’infaillibilité elle-même. Toute assertion de Mill devait être acceptée sur-le-champ sans hésitation ni doute.

Or, Mill s’est fait connaître comme ayant écrit sur la logique, et nous devrions naturellement nous attendre à voir un logicien aussi distingué au moins conséquent avec lui-même.

Dans un éloquent passage de sa logique, il démontre la nécessité capitale de fixer les concepts fondamentaux d’une science. Nous pourrions naturellement nous attendre à le voir s’appliquer attentivement à fixer les définitions de la science économique, spécialement une définition aussi sérieusement discutée que celle de la richesse. Il est donc un peu surprenant de lire, aussitôt après les premiers paragraphes de son ouvrage : « Tout le monde a une notion suffisamment correcte pour les besoins ordinaires de ce qu’on entend par richesse ; » et encore : « Il n’entre nullement dans le plan de ce traité de viser à un raffinement métaphysique de définition, là où les idées qu’un mot suggère sont déjà aussi fixées que l’exigent les besoins pratiques. »

Voyons maintenant si Mill lui-même a quelque idée nette de ce qu’est la richesse. Un peu plus loin, il écrit : « Toute chose fait donc partie de la richesse dès qu’elle a puissance d’achat. » Voilà enfin que nous retrouvons, seulement, après 2,100 années, la définition d’Aristote, adoptée pendant treize siècles par l’unanimité des écrivains, à savoir que tout ce qui peut être acheté ou vendu, ou dont la valeur peut s’apprécier en argent, constitue la richesse. Cette définition comprend en entier les trois ordres de quantités échangeables : — 1) les choses matérielles ; — 2) les qualités personnelles, soit comme travail, soit comme crédit : — 3) les droits abstraits.

Mais, à la fin de la même observation, il écrit : « La production de la richesse, l’extraction des éléments matériels du globe des instruments de subsistance et de bien-être de l’homme. » N’est-ce pas là un changement de conception fort surprenant ? Tout ce qui peut s’acheter ou se vendre est-il extrait des éléments matériels