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Page:Revue de Belgique, série 2, volumes 58-59, 1910.djvu/359

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ait subi l’influence de Wagner musicien, pas celle de Wagner dramaturge, poète et théoricien[1].

C’est là que s’affirme la valeur du maître autrichien ; c’est cela qui immortalisera son nom, tandis que s’effacera celui des disciples de Wagner dans le domaine théâtral.

Bruckner était né symphoniste ; nous exceptons les quelques œuvres chorales écrites avant 1870, parmi lesquelles il faut citer trois messes, quelques chœurs religieux et cantates. Il serait cependant injuste de passer sous silence ces différentes œuvres lesquelles, sans être transcendantes, n’en portent pas moins la griffe du maître et peuvent aisément rivaliser avec les compositions religieuses de Liszt[2]. Mais Bruckner aspirait à une liberté d’écriture que ne lui permettait pas un texte poétique et, dès 1868, ayant étudié minutieusement l’orchestration wagnérienne, il se livra tout entier à la forme symphonique pure[3].

  1. On pourrait objecter que Bruckner, au déclin de sa vie, eut l’intention d’écrire un opéra, tout comme Beethoven avait été hanté par l’idée de Fidélio. Il projeta, en effet, d’écrire la musique d’un livret que lui avait fourni Mlle Elisabeth Bolb, une musicienne de talent qu’il connut lors de son séjour à Linz. Il lui écrivait, le 5 septembre 1893 :
    xxxx « Je suis malade et ne pense qu’à terminer ma 9e symphonie pour laquelle je crains d’avoir encore deux ans à travailler. Si je vis encore après cela, et que m’en sente la force nécessaire, j’écrirais volontiers un ouvrage dramatique. Je me souhaiterais, dans ce cas, quelque chose à la Lohengrin, romantique, religieux, mystérieux et surtout, pur de tout « unreinen ». »
    xxxx Le livret fut écrit d’après une nouvelle de Richard Voss : « die Toteninsel » et fut intitulée « Astra ». Mais le sujet ne plut guère à Bruckner ; il le déclara trop peu religieux. Il ne voulait pas écrire un opéra, mais plutôt un oratorio dramatique dans le genre de Sainte-Élisabeth de Liszt ou du Polyeucte de Tinel.
    xxxx On ne peut donc accuser Bruckner d’avoir voulu s’assimiler Wagner pour le genre théâtral.
  2. Exceptons cependant la grande messe en fa qui surpasse les messes de Beethoven, Schubert, Liszt, etc. Elle n’a d’égale que la messe en si de Bach. Toutes deux sont d’inspiration géniale.
  3. Le Te Deum (1886), destiné par Bruckner lui-même, peu avant sa mort, à servir de péroraison à la 9e symphonie, n’est qu’un fait exceptionnel.