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LA REVUE DE PARIS

c’est seulement une opinion exprimée dans le journal du Soviet et cette opinion est révolutionnaire à l’extrême : elle repousse, pourtant, l’idée d’une paix séparée.

Cette opinion s’inspire de l’espérance que la Révolution russe aura une répercussion retentissante en Allemagne, et y entraînera les masses ouvrières à une action révolutionnaire contre la dynastie des Hohenzollern. Mais cet espoir du début est suivi d’une déception qu’un article du 14 mars nous révèle ; il a pour titre la Russie et l’Allemagne :


La Russie démocratique, sans distinction de partis, attend avec impatience des nouvelles de la répercussion de la Révolution russe en Allemagne. Jusqu’à présent, les nouvelles sont maigres. À Dresde et à Leipzig, et dans quelques autres villes, il y a eu des manifestations populaires ; un radio, que nous croyons émaner des social-démocrates allemands, nous est arrivé, contenant ces mots : « Salut, camarades ! Hourrah » ; mais c’est tout. Notre fête de délivrance est obscurcie par les horreurs de la guerre… Si la noblesse prussienne et la dynastie de Hohenzollern réussissent à maintenir dans les liens de la discipline le prolétariat allemand, ils tenteront demain de se forcer un passage jusqu’à nous pour annihiler les effets de la Révolution russe et ramener l’ancien régime. Les Hohenzollern redoutent la contagion de l’exemple. Mais que, sur ce point, il n’y ait pas l’ombre d’un doute : pour lutter contre ce danger, la Russie révolutionnaire et républicaine ne ménagera aucun effort, parce qu’elle ne connaît point de pire sort que celui de retomber sous le talon ensanglanté des Romanoff ramenés par les Hohenzollern.


Ainsi s’affirme l’idée que l’écrasement du militarisme prussien peut seul garantir la Révolution russe contre un retour offensif de l’ancien régime ; et l’auteur continue :


Ce serait d’une suprême naïveté que de croire qu’il suffirait du simple fait de la Révolution russe pour pousser les prolétaires allemands vers une démarche révolutionnaire, rien que par sympathie pour la Révolution russe. Il faut se dire sans ambages que le prolétariat allemand ne peut être poussé vers une révolte que par une double cause : une crise intérieure et la situation extérieure.


Dès lors le plan mûrit : il faut laisser entendre aux révolutionnaires allemands que l’armée russe ne profitera pas d’une révolte en Allemagne pour tomber sur leur pays et que, d’autre part, la crise intérieure n’empêchera pas l’armée russe de se défendre contre tout agresseur. Il faut donc, après