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REVUE DE PARIS

un odieux sacrilège, qu’il s’aoit d’empêcher. Voyons, Manzi, s’il y a en toi quelque chose du prêtre, ne fût-ce que le respect humain, ne fût-ce que l’hyposrisie, peux-tu tranquillement laisser commettre devant toi une pareille profanation ?

— Allons, calme-toi, mon enfant, et raisonnons de sang-froid. Voyons : dis-moi, quand tu auras fait un éclat qui peut te perdre et moi aussi, et nous faire enfermer tous deux dans un couvent pour le reste de nos jours, en seras-tu plus avancée ? Supposons que tu parviennes à empêcher ce damné Tonino de se marier deux fois, le feras-tu condamner, par arrêt du tribunal, à n’aimer que toi, et à rester toute sa vie pendu, comme un trousseau de clés, au giron de sa digne ménagère ?

— N’importe, mon parti est pris, je veux me venger, murmura Liona d’une voix sourde.

— Te venger ! eh ! parbleu, je t’en donne un moyen. Quitte a rinstant même cet ingrat qui n’a pas su t’apprécier, et viens avec moi à Bologne. Je veux t’établir de manière à faire sécher de depit tous les cardinaux-légats et tous les Tonino du monde ; car au fond, vois-tu, il n’y a que moi qui t’aie aimée comme tu mérites de l’être, que moi qui t’aie appréciée à ta juste valeur. Foi de Manzi » je n’ai jamais aimé d’autre femme que toi, et si, grâce cà cette maudite robe, je ne peux pas fépouser, je veux du moins que ce petit Tonino, avant de se remarier, aille crève-cœur de voir…

— Tonino se remarier ! s’écria Liona, sortant tout d’un coup de la profonde rêverie où elle était plongée. Non, comme il y a un Dieu au ciel, je ne souffrirai pas un pareil sacrilège. Je vais de ce pas lui dire tout ; qu’il sache qu’il m’appartient corps et ame, et qu’avant qu’il se remarie, il faut que de moi-même, et par ma libre volonté, j’aie cédé à ma rivale ma place dans le cœur, ma place dans le lit de Tonino.

— Pour l’amour du ciel ! puisque tu y crois, ma chère Liona, ne vas pas faire une pareille sottise. Parler à Tonino ! mais c’est le moyen de tout perdre ! Écoute, nous sommes seuls : ton mariage est un secret entre toi et moi, et nous sommes sûrs l’un de l’autre. A quoi bon en parler ? Quelle étrange vertu, après tout, attribues-tu donc à ces quelques paroles insigniHantcs que j’ai balbutiées