Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
10
REVUE DE PARIS

sur vos têtes, sans m’occuper plus que vous de ce qu’elles voulaient dire ? Eh ! mon Dieu ! laisse le monde aller et le Reno couler ; laisse ce cerveau fêlé de ïonino aller conter à une autre femme tout ce qu’il t’a conté, et la tromper comme il t’a trompée ; laisse-le même l’épouser, si la fantaisie lui en prend. Tu es la première en date, après tout, et si les mariages, comme disent les âmes pieuses, s’écrivent dans le ciel, l’ange qui y a consigné le tien y effacera du coin de son aile l’adultère légal de ce bon Tonino.

— Manzi, tu prêches bien, répliqua Liona avec un amer sourire ; mais mon cœur me parle plus haut que toi, et c’est lui que j’écouterai. Je vais tout dire à Tonino.

— Tu vas me perdre sans te sauver, répondit Manzi en pâlissant malgré lui à l’idée du danger qu’il allait courir.

— N’aie pas peur, rpprit-elle dédaigneusement, je prendrai tout sur moi. Et quant à Tonino, s’il est bien décidé à ce mariage, je connais un moyen de rompre le Hen qui l’enchaîne à moi. C’est la dot que je lui garde pour le contrat de mariage. Adieu, Manzi.

En finissant ces mots, la fière Liona, échappant aux vains efforts que l’abbé faisait pour la retenir, se dirigea vers la villa. Manzi, pkis occupé d’elle, chose rare, que de lui-même, la suivit long-temps des yeux avec une expression de pitié bien sincère. « Pauvre femme ! dit-il enfin, elle va se perdre, et pour un roué qui ne la mérite pas plus que moi. N’importe, il faut qu’elle soit à moi, après Tonino. C’est charité, d’ailleurs, pure charité ; car elle serait femme à faire un coup de tête. Mais passé le premier moment, il n’y a plus rien à redouter. Allons dresser nos batteries ; car, de par Dieu ! je dirai d’elle ce que j’ai dit du chapeau rouge : « Il faut qu’elle soit à moi ! » Et le digne abbé reprit le chemin de la ville.


Le lendemain de grand matin, Tonino frappait à la porte de Manzi. Les domestiques, un peu surpris de le voir à cette heure, eurent beau lui refuser la porte, en lui représentant que leur maître dormait, et que pour rien au monde ils ne se décideraient à le féveiller à une heure si indue, Tonino n’écouta rien, et se char-