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REVUE DE PARIS

mander compte, mais à toi. Pour elle, je lui pardonne, car elle n’a été que ce que nous sommes tous dans tes mains : un instrument dont tu te sers, pour le briser après !

— Comment ! en vérité, tu as pardonné à cette pauvre Lional Ma foi, j’en suis bien aise pour elle, car je ne l’eusse pas attendu de toi, foi de Manzi ! Tonino joué par sa maîtresse et par son ami, marié sans le savoir, et se résignant au mariage, comme le renard à se passer de queue après l’avoir laissée au piège ! Ah ! en vérité, c’est à en mourir !

Et l’effronté personnage, renversé sur ses coussins, continuait ses impudens éclats de rire.

Tonino n’y tint plus, et le prenant à la gorge : Mais, misérable, si j’ai pardonné à Liona, qui t’a dit que je l’aie pardonné à loi ta lâche mascarade et le tour infâme que tu m’as joué ? Ainsi, pour passer gaiement une heure avec tes amis, il te plaît de prendre au sérieux ta pasquinade de mariage, et de profaner de saintes paroles en les faisant passer par ta bouche, et me voilà marié malgré moi, enchaîné pour toute ma vie, et, qui pis est, exposé aux risées de mes camarades, auxquels lu ne manqueras pas de me vendre à la première orgie. En vérité, je ne sais à quoi il lient que je ne t’étrangle.

— Prends garde, Tonino, tu vas déchirer une de mes plus fines chemises de Hollande, reprit froidement l’abbé, en écartant d’une main ferme la main convulsive de Tonino. Eh bien ! qu’ai-je donc fait là, mon vieil ami, dont tu n’aies à me remercier ? Tu voulais Liona à tout prix, je l’ai mise dans tes bras, au prix d’un bel et bon sacrement, sans lequel elle n’eût pas consenti ; tu voulais un faux contrat de mariage, je t’en ai donné un vrai, pour ne pas te faire d’affaires avec la justice ; tu voulais le secret, je te l’ai gardé ; enfin, tu veux la liberté et tu as assez de Liona, à ce que je crois, par-dessus le marché ; eh bien ! je suis prêt à te rendre l’une et à te débarrasser de l’autre.

— Me débarrasser de Liona ! et qui t’a dit que je le désirais ? Je l’aime toujours, entends-tu, mais je l’aime comme ma maîtresse, et non comme ma femme.

— Au contraire, mon brave Tonino, je crois précisément que