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REVUE DE PARIS

— Ne crains rien, mon enfant, dil-il d’une voix presque bienveillante, et en échangeant avec Manzi un long regard de commisération, je ne viens pas ici pour te faire des reproches. Tu as aimé de bonne foi ce mauvais sujet de Tonino, et lui-même s’est chargé de t’en punir ; mais à présent que tu es détrompée, à présent que le plus pénible est fait, je viens te demander un dernier sacrifice…

— Lequel ? parle, demanda courageusement Liona, émue de se voir presque suppliée par un homme dont elle n’attendait que des menaces et des outrages ; lequel ? répéta-t-elle avec moins de fermeté, car elle commençait à deviner.

— De t’éloigner de Bologne, de renoncer tout-à-fait à Tonino qui, d’ailleurs a cessé de t’aimer, reprit Carrache en hésitant, comme un bourreau novice qui ne sait pas que c’est de la pitié de tuer son patient d’un seul coup. Écoute, ajouta-t-il en lui prenant sa main glacée, qu’elle essaya vainement de retirer, écoute, ma bonne Liona ; aie pitié d’un pauvre vieillard qui voit l’âge venir, qui n’a pas d’enfans, pas de femme, rien à aimer icibas que son vaurien de neveu, et qui voudiait ne pas voir s’éteindre avec lui la noble souche des Carrache. Tonino, tu le sais, est moins pour moi un neveu qu’un fils adoptif. Toute ma fortune lui appartiendra un jour, et le drôle le sait si bien qu’il l’a déjà écornée d’avance ; mais n’importe ! Tonino n’est pas méchant au fond ; il t’aime, il t’a aimée du moins, et je crois entrer dans ses intentions en t’assurant d’avance, par l’acte que voici, le tiers de cette fortune, à condition que tu quitteras….

— N’achevez pas, s’écria vivement Liona ; je puis donner mon consentement, mais je ne le vends pas

— Mais, folle que tu es ! il faut bien vivre, et lu ne comptes pas, je l’espère, rester ici pour voir Tonino épouser la Guidotti ?

— Il ne l’épousera pas, reprit étourdimenf Liona en jetant sur Manzi un regard qui le fit pâlir ; demandez plutôt au signor abbé.

— Comment ? que voulez-vous dire, signora ? demanda Carrache qui commençait un peu à s’échauffer ; prétendricz-vous, par hasard, épouser mon neveu, vous ?… Il s’arrêta pourtant, en homme qui craint d’en trop dire.