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REVUE DE PARIS

— Non, je ne prétends pas épouser votre neveu, dit Liona avec un sourire convulsif, et en pesant sur chacune de ses paroles ; mais je vous dis qu’il n’épousera pas la Guidotti !

— Ah ! corps du Christ ! c’esl ce que nous verrons, s’écria Annibal en se laissant enfin aller à la fougue de son caractère ; il ne sera pas dit que le vieux Carrache se laissera mater, comme ce niais de Tonino, par une effrontée courtisane.

Le mot était à peine lâché qu’Annibal s’en repentit ; mais il n’était plus temps. Liona pâlit, et porta la main sur son cœur, comme si une atroce douleur l’eût déchiré ; mais elle tint bon, et d’une voix lente, mais ferme, elle répondit à Carrache : — Eh bien ! celte effrontée courtisane est cependant la femme de votre neveu.

— Sa femme ! s’écria Annibal terrifié.

— Oui, sa femme, sa femme légitime, répéta Liona, sourde à tous les signes que lui faisait Manzi ; le signor abbate pourra vous le dire, puisque c’est lui qui

— A voulu vous éviter cette folie, c’est vrai, interrompit brusquement Manzi ; mais il m’a été impossible de faire entendre raison à cet écervelé de Tonino. Ne voulait-il pas afficher son mariage aux yeux de tout Boulogne, et présenter partout la signera comme sa femme. C’est elle seule qui a obtenu, et à grand’peine encore, de ne passer que pour sa maîtresse.

Elle la femme de mon neveu ! s’écria enfin, quand il put parler, comme un enfant que la colère étouffe, le vieux Carrache dans un paroxisme de rage. Elle, Liona le modèle, Liona la courtisane ! elle entrer par la porte de l’église dans le lit de mon neveu, quand les vieux débauchés de Bologne n’en veulent plus dans le leur ! Et quel est le misérable qui a pu bénir cet indigne mariage ? Oii est-il ? que je le fasse périr sous le bâton…

— Il ne s’agit pas de savoir qui a fait le mal, interrompit encore Manzi, il s’agit de le réparer. Si la signora avait voulu écouter mes conseils, elle n’aurait pas dit un mot de cette mauvaise plaisanterie à ame qui vive, pas même à vous, mon digne signor. Et puisque le beau Tonino n’est pas si dispose que vous à prendre la chose au sérieux, et consent à convoler en secondes noces…

— Je ne le souffrirai jamais, s’écria Liona plus froissée de ce seul