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REVUE DE PARIS

Lionane le voulut pas, et persista à se présenter devant ses juges, se fiant peut-être, par un reste de coquetterie féminine, à l’effet qu’elle produirait sur eux et à l’intérêt qu’elle saurait leur inspirer.

Le jour venu, Liona, à qui le danger qu’elle courait répondait cette fois de l’amour de Tonino, se présenta devant ses juges avec un courage dont elle s’étonnait elle-même. Sans s’aveugler sur les dangers de sa position, elle comptait, femme encore jusque dans cet affreux moment, sur son amour, sur sn beauté, sur ce langage de l’ame qui vient aux femmes en face du danger. Elle se flattait de toucher ses juges, de les attendrir, et d’arracher leur pardon pour un mensonge que Tonino le premier avait pardonné, lui qui en était victime. D’ailleurs un avis secret, venu de la part de Manzi, qui n’osait se présenter sous son toit, gardé à vue par les sbires du tribunal, l’avait engagée à prendre courage, à tout avouer, et à se fier, du reste, aux secrètes influences qu’il tâcherait de faire agir sur ses juges. Toutefois, en entrant dans cette salle immense du palais du légat, où tout Bologne lui semblait rassemblé, en paraissant devant ce tribunal imposant, sinon par la sainteté de ses membres, au moins par le luxe austère et l’immense autorité dont il était entouré, elle se sentit émue. Cependant, forte et reposée sur son amour, elle aurait surmonté facilement sa première émotion, si une remarque qu’elle fit en entrant, avec cette perception si nette et si rapide que donne le sentiment du danger, n’eût un peu diminué sa confiance. Manzi, dont elle chercha tout d’abord les yeux comme pour trouver au sein de cette foule immense un regard qui la soutînt, Manzi détourna les yeux et parut vouloir éviter son regard, peut-être pour ne pas la flatter d’un inutile espoir. Ainsi, le seul appui sur lequel elle eût compté lui faisait faute ; Tonino surtout, qu’on avait séparé d’elle à l’entrée du tribunal, Tonino lui manquait ; il lui manquait un cœur où appuyer le sien, un regard où puiser son courage, une voix amie pour résonner à son oreille. À ce sentiment si profond, si amer de son isolement, un froid glacial courut dans ses veines ; les vives couleurs que la honte avait amenées sur son front, en butte à tous les regards, firent place à une pâleur profonde, et elle tomba plutôt qu’elle ne s’assit sur le banc qu’on avait préparé pour elle. Mais