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REVUE DE PARIS

toi que je n’ose appeler mon époux ; car je t’ai trompé ! je t’ai dérobé lâchement ce nom dont je serais plus fier qu’une reine ne l’est du sien, s’il m’était permis de le porter. Pardon, toi que j’ai offensé ; pardon encore une fois avant de nous quitter peut-être pour jamais, et que les dernières paroles que j’entendrai de ta bouche soient des paroles de pardon et de paix ! »

Tout l’auditoire était ému ; un religieux silence régnait dans l’assemblée, et une émotion douloureuse et douce à la fois y serrait tous les cœurs. Quant à Tonino, dont le visage avait trahi la profonde compassion, à ses dernières paroles, il ne se contint plus, et fendant d’un bras vigoureux cette foule qui semblait peser sur sa poitrine, en un instant il fut auprès de Liona, et la serrant sur son sein, à demi morte qu’elle était, avec une affection délirante et qui semblait défier le monde entier de le séparer. — « Moi, te pardonner, ma bien-aimée, mon épouse, ma femme légitime, s’écrja-t-il d’une voix qui semblait prendre tout Bologne à témoin de son amour ; moi, te pardonner ! eh quoi ? de m’avoir rendu pendant plus d’un an le plus heureux de tous les hommes ! de m’avoir fait commencer une vie nouvelle, de m’avoir appris ces pures et saintes joies domestiques que j’ignorais ; car c’est là son crime, entendez-vous, vous qui prétendez la juger, vous qui, parmi toutes les vierges qui viennent se confesser devant vous, n’avez pas rencontré un cœur aussi vierge, aussi chaste que le sien ! Elle ne nie pas son crime, entendez-vous ? elle m’a épousé malgré moi ; elle m’a trompé pour me rendre heureux. Punissez-la si vous l’osez ; mais, quelle que soit sa peine, faites-la-moi partager avec elle, car je suis coupable aussi, cent fois plus coupable qu’elle, moi qui ai voulu jouer avec les choses sacrées, tandis qu’elle ne l’a pas voulu, elle ! elle n’a pas profané comme moi la majesté du mariage : et, devant l’autel que je venais prof ; iner par une mascarade impie, elle a vu Dieu descendre et bénir notre union ! »

En finissant ces mots, Tonino, ramenant sur Liona son regard qui l’avait quittée un instant, ne s’occupa plus que d’elle, et parut oublier l’univers entier. Manzi, qui avait observé froidement toute cette scène, étonné qu’il était de se sentir ému au fond du cœur, et uniquement occupé d’en tirer le meilleur parti possible pour la cause