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REVUE DE PARIS

de Liona, jugea le moment favorable pour venir à son secours et expîoiter l’impression qu’elle avait produite sur l’assemblée et sur ses juges. Le digne abbé, qui, comme on sait, n’était pas, dans toute cette affaire, sans quelques légères peccadilles à se reprocher, sentait d’autant plus la nécessité de se justifier que personne ne l’avait accusé, et de mettre ainsi d’accord son propre intérêt avec la charité. D’ailleurs, au fond du cœur, nous l’avons dit, il se sentait un faible pour Liona ; c’était la seule impression, de toute sa vie, qui n’eût pas eu son moi pour objet, et il eût peut-être été capable, pour la sauver, de quelque chose qui ressemblât à du dévouement. Il prit donc la parole, et, associant dans un même plaidoyer sa cause et celle de Liona, en rejetant tous les torts sur la tête de Tonino qui l’en remercia tout bas, il fit une uiagnifique homélie dont personne ne crut un mot, et lui encore moins que personne, sur la sainteté des devoirs du mariage, sur les efforts qu’il avait faits pour empêcher un jeune étourdi de les profaner ; il ajouta que, ne voyant aucun autre moyen de l’en détourner, il n’avait pas cru devoir reculer devant une fraude pieuse, qu’il n’eût pas inventée peut-être, mais qui arrachait deux âmes à l’enfer, et faisait tourner au profit de la religion et de la morale l’indécente mascarade dont on voulait le rendre l’instrument et le complice. Il conclut en disant que, si on lui permettait de donner son avis dans cette affaire délicate, où il était à la fois juge et partie, il proposait d’imposer aux deux époux une sévère pénitence qu’il était prêt à partager avec eux, comme il avait partagé les fautes ; mais que, selon lui, leur union légitiment nt contractée était indissoluble, suivant cette maxime de l’Évangile : que ce que Dieu a lié, Dieu seul peut le délier.

Un murmure favorable de l’auditoire accueillit la péroraison de l’abbé, qui, du reste, fut parfait en la pronunçjant : yeux baissés, et par intervalles pieusement relevés vers le ciel, ton de voix saintement insinuant, mielleuse hypocrisie de l’œil et de la lèvre, rien n’y manqua, et Tonino, qui, de sa vie, n’avait au fond du cœur jamais beaucoup aimé ce scélérat d’abbé, aurait voulu pouvoir fendie la foule pour l’aller serrer dans ses bras.

À l’abbé succéda Annibal, qui, voyant l’affaire prendre pour lui