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REVUE DE PARIS

punir, vu l’absence notoire de mauvaises intentions de leur part ; il approuvait ensuite pleinement et sans restriction la conduite de l’abbé Manzi, qui, pénétré de la sainteté de son ministère, n’avait pas cru devoir se prêter à ce profane travestissement, et avait fait une sainte et pieuse cérémonie de ce qui ne devait être qu’un indigne scandale. Il déclarait donc, d’après les canons de l’église et le rituel ordinaire du sacrement de mariage, qui avait été exactement suivi, le mariage bon et valide, et ne pouvant être dissous ni dans le ciel, ni sur la terre… Ici, un éclat de joie que Tonino ne put réprimer, interrompit la lecture ; Liona elle-même s’abandonna à un mouvement d’espoir. Elle jeta les yeux sur Manzi ; mais la figure impassible de l’abbé n’exprimait aucun sentiment, pas même l’orgueil d’avoir été loué lorsqu’il pouvait au moins s’attendre à une sévère mercuriale ; au lieu de répondre au regard de Liona qui cherchait le sien, il détourna les yeux, et Liona sentit un froid morte ! courir dans toutes ses veines.

— Mais, poursuivit le greffier, et ce fatal mais serra le cœur de tous les assistans, considérant que ladite Liona a abusé de l’inexpérience d’un jeune fils de famille, et de son empire sur lui, pour lui faire contracter un mariage frauduleux contre l’intention de ses parens et tuteurs, et contre la sienne propre, le tribunal condamnait ladite Liona a être détenue pour sa vie dans le couvent de ****, afin d’y faire pénitence.

À ce coup qui la frappait, Liona, comme la brebis qui tend le cou au couteau, ne proféra pas une plainte, pas une parole ; elle chercha de l’œil Tonino, effi-ayée plus encore pour lui que pour elle de cette terrible sentence. Tonino n’était plus là ; à peine avait-il entendu l’arrêt, que, sans proférer une parole, il avait fendu la foule qui se pressait autour de lui, et était sorti précipitamment, entraînant la partie la plus remuante de l’auditoire, c’est-à-dire les peintres et les étudians qui fourmillaient alors à Boulogne.

Du moment ovi Liona se vit seule, où le regard, la présence de Tonino ne la soutenaient plus, son courage l’abandonna, son cœur lui faillit, et elle se mit à pleurer, comme une pauvre et faible femme qu’elle était. Un murmure d’intérêt pour elle, et de mécon-