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REVUE DE PARIS

tentement contre les juges, circula dans l’auditoire ; mais quand les sbires du tribunal s’approchèrent pour l’emmener, et mettre à exécution la sentence, nul ne songea à s’y opposer. Elle avait baissé la téie pour cacher à tous les yeux sa honte et sa douleur ; la main rude d’un sbire, en se posant sur son bras froid et blanc comme le marbre, la tira de sa léthargie ; elle se leva brusquement avec l’effroi naïf d’un enfant, et promena autour d’elle son grand œil hagard et suppliant, pour voir si quelqu’un viendrait à son secours ; elle était seule dans le monde ; Tonino l’avait quittée, Tonino l’ingrat ne venait pas recevoir son dernier regard, et échanger avec elle ce dernier adieu qu’on ne lui eût pas défendu. Ainsi dune elle ne le verra plus, ainsi les portes d’une prison allaient se refermer pour jamais sur elle, elle allait descendre vivante au tombeau, et lui, Tonino, continuerait à vivre insouciant et joyeux, sans donner même un regret à celle qui aurait fait plus que de mouiir, à celle qui aurait vécu pour lui, après avoir cessé d’être à lui. Toutes ces affreuses idées, plus affligeantes, plus atroces cent fois que la mort ou la question, passèrent en un instant devant son esprit ; et quand le sbire qui l’avait saisie par le bras, lui dit de sa voix rude qu’il fallait marcher, elle obéit comme un enfant qu’on intimide, sans savoir ce qu’elle faisait, où elle allait et qui lui parlait. On l’emmena par une petite porte derrière le tribunal, tandis que la foule silencieuse s’écoulait en lui donnant quelques faibles et dernières marques d’intérêt qu’elle allait bientôt oublier ; et après avoir suivi quelque temps ses guides avec l’obéissance passive d’un condamne à mort, Liona se trouva enfin seule dans une petite chambre basse et obscure, où on lui dit d’attendre la voiture qui devait la transporter à son couvent.

Elle resta quelques minutes plongée dans une léthargie absolue dont elle avait besoin peut-être, pour se remettre de tant d’émotions pénibles. Cette stupeur muette, où le sentiment de ses peines était presque suspendu, aurait sans doute duré long-temps, si un murmure sourd et toujours croissant ne fût venu rompre le silence monotone de sa prison, et la rappeler, par une crainte, par une souffrance de plus, au sentiment de son existence. Elle écouta