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REVUE DE PARIS

s’écria-t-il, elle est à nous, la voici ! Et il continua l’assaut de la grande porte avec une énergie qui promettait une prompte et certaine victoire.

À ce moment, la porte de la prison s’ouvrit. Liona, jetant en arrière un regard de terreur, s’attendait à voir entrer ses bourreaux ; mais à sa grande surprise elle reconnut un homme qui lui avait fait plus de mal que le bourreau ne pouvait lui en faire. Cet homme était Annibal. À sa vue Liona tressaillit et sentit son cœur se serrer sous un pressentiment sinistie. En effet Annibal n’était pas seul : derrière lui se pressaient quelques-uns des familiers du tribunal ; elle vit des cordes dans leurs mains, des armes, des épées ; elle crut la mort venue, et faut-il le dire, dans cet instant solennel, où la délivrance était là, où l’amour lui tendait les bras, elle eut peur, elle eut regret surtout de se voir mourir. — Oh ! par pitié, ne me tuez pas, dit-elle en se jetant aux genoux d’Annibal, avec un son de voix qui eût attendri des tigres. Laissez-moi vivre encore un quart d’heure seulement, que je le voie, et je suis à vous, vous ferez de moi ce que vous voudrez. Grâce ! messer Annibal, grâce pour une pauvre femme qui n’a d’autre crime que d’avoir aimé. Ne me tuez pas au moins sans que je l’aie revu !

— Folle que tu es ! répondit Annibal, tout ému et honteux de l’être. Personne ici ne songe à te tuer ; seulement, comme il est probable que mon coquin de neveu aura bientôt raison de cette porte, le seul obstacle qui le sépare de toi, je veux y mettre bon ordre, en t’enlevant d’un autre côté et en te conduisant à ton couvent. Allons, voyons ! je veux la repentance du pécheur et ne veux pas sa mort. L’abbesse est de mes amies, et je lui commanderai qu’elle ait grand soin de toi. Dans quelques années même, si tu es sage, Tonino guéri, je pourrai bien te faire rendre ta liberté ; mais il faut que tu viennes avec moi, entends-tu ?

— Je ne veux pas, je ne veux pas ! s’écria la malheureuse avec une terreur plus profonde que celle que l’aspect de la mort n’avait pu lui inspirer. Tuez-moi plutôt ! j’aime mieux mourir !

— Non, de par Dieu, tu ne mourras pas ! j’ai lu une bonne litière