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REVUE DE PARIS

où nous allons te mettre et t’emmener ; et, ma foi ! que Tonino brise la cage après, s’il le veut, il trouvera l’oiseau déniché.

— Vous ne voulez donc pas que je sois à lui ? reprit-elle d’une voix ferme et comme quelqu’un qui vient de prendre une détermination soudaine.

— Tu peux me demander tout ce que tu voudras au monde, excepté cela, mon enfant ; mais le vieil Annibal est entêté, et ne cédera pas, je l’en préviens,

— Eh bien ! je veux le voir encore une fois, dit-elle en s’élançant à la fenêtre.

— Fais vite, car les momens pressent, dit Annibal en donnant ordre de faire approcher la litière.

Liona s’était penchée, elle avait encore une fois aperçu Tonino, elle l’avait appelé ; mais sa voix s’était perdue dans le bruit étourdissant de l’émeute. Elle demeura immobile, le front collé contre les barreaux, muette, inanimée, perdue dans une contemplation profonde. Annibal, impatient de partir, s’approcha d’elle, et la saisit par le bras en l’appelant. Elle ne répondit pas, et ce bras, qu’Annibal lâcha, retomba de lui-même comme s’il n’obéissait plus à cette volonté vivante qui règne sur nos organes. — Eh bien ! qu’attends-tu, folie ? dit Annibal ; il faut partir. Et saisissant impérieusement son bras, il voulut l’entraîner. Elle ne résista pas ; mais son corps, perdant l’appui que les barreaux de la fenêtre lui avient prêté, pesa de tout son poids sur l’épaule d’Annibal. Il la crut évanouie, et un mouvement de pitié entra dans cette ame que la colère ne fermait jamais pour long-temps aux émotions douces et bienveillantes. Il la prit dans ses bras musculcux, comme on pourrait le faire d’un enfant, et l’assit sur un siège ; puis, il la regarda au front : ce front était pâle et déjà froid ; ses yeux, tout grands ouverts, avaient perdu leur rayon d’intelligence et de vie. Il voulut mettre sa main sur son cœur pour en interroger les battemens. Quelque chose heurta cette main ; mais qui pourrait dire l’horreur dont il fut saisi, quand il aperçut profondément fichée dans sa poitrine, juste à l’endroit du cœur, une de ces longues aiguilles de tête en argent que les femmes de Padoue portent comme un diadème au sommet de leurs cheveux. Il regarda.