Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
41
REVUE DE PARIS

folle commencèrent de tourner la tête du sensible teneur de livres. — Elle sentait tout si finement et si vivement ! Son esprit était si juste et si animé ! son imagination si délicate ! Elle n’applaudissait jamais avant d’avoir compris. Elle ne remerciait pas niaisement d’une flatterie qu’avait dictée la seule politesse. Elle évitait et déclinait les complimens au lieu de les solliciter. Oh ! c’était une femme sans pareille. Au bout d’une heure Conway demeura convaincu qu’il avait découvert en Maria un véritable phénix. — Hélas ! il n’avait pas même vu le bout du nez de la chère enfant.

Je vous l’affirme, l’homme est une créature fantasque et inexplicable. C’est le fils du caprice. L’inconstance est sa mère. C’est une girouette vivante. Conway avait continué ses visites chez le digne vicaire. La physionomie discrètement voilée de Maria avait presque achevé d’émouvoir ce cœur facile à ébranler. Il était subjugué. Les charmes tout puissans de cette causerie spirituelle, ces manières ingénues et ouvertes avaient triomphé : il s’avouait vaincu. Il allait s’agenouiller et déclarer ses prétentions ! — En un instant tout changea. — Maria fut soudainement sotte, commune, odieuse : — le rideau s’était levé. — Il avait découvert le nez de la misérable fille.

Conway se mordit les lèvres. Il tira sa révérence et partit.

Maria ne se dissimula point la subite et évidente révolution qui s’était opérée dans les sentimens de son mobile adorateur. Elle apprécia aussi correctement le motif qui l’avait causée. — Mais la faute en était à elle seule ! Pourquoi le mouchoir était-il tombé ? Ç’avait été une chute bien imprudente et plus désastreuse ! Aussi, elle n’en doutait plus, ce serait ce nez fatal qui la perdrait éternellement. — Elle ne put contenir ses pleurs ! Ce n’est pas qu’elle fût passionnément éprise au fond du très inflammable et blond jeune homme ! Mais enfin il eût fait un mari comme un autre ! Et puis cette retraite précipitée était si injurieuse ! elle était si désespérante ! Il ne fallait plus s’abuser ; ce serait désormais l’inévitable chemin que suivraient tous les soupirans ? Autant valait renoncer vde bonne grâce au mariage et se vouer ainsi qu’une nonne à une perpétuelle virginité. — Quelle destinée pourtant ! Quoi ! une