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REVUE DE PARIS

nement autorisés à croire que M. Conway n’était pas absolument guéri de son amour.

Je ne connais qu’une seule bonne excuse d’être amoureux, c’est l’impossibilité de s’en défendre. Cette pensée m’appartient. Je le déclare, et, toute fausse modestie à part, je l’estime si profonde et si vraie, que, ne fùt-elle point sortie de mon propre cerveau, je ne balancerais pas à attribuer à la vénérable antiquité l’honneur de son invention.

Donnez-moi d’ailleurs la cié des contradictions infinies de cet inconsistant et incompréhensible sentiment que vous nommez l’amour ; donnez-la-moi, si vous l’avez ; car je ne l’ai vue jamais, ni tenue.

Je ne sais comment le fait advint ; ce fut purement pour raison d’affaires, je suppose ; mais Conway fut poussé à retourner chez M. Hargrave. À cette occasion, la porte de la maison lui fut ouverte plus large. Il fut invité à revenir souvent et tant qu’il lui plairait, et en ami, en vrai commensal, aux heures des repas, lorsque le cœur lui en dirait ; et le merveilleux de l’histoire, c’est qu’il revint, et revint fréquemment. Quel démon le ramenait de cette sorte et comme de force là où il semblait que nul attrait ne devait plus l’attirer ? De fait, ces visites involontaires lui étaient, à lui-même, une énigme indéchiffrable. Il avait besoin de venir ; il venait. Était-il arrivé, et en présence de Maria, une invincible froideur le glaçait. Combien il avait changé ! Il parlait sans timidité ; il écoutait sans intérêt ; il s’alongeait et prenait ses aises sur le sopha. Servait-on le thé, dans ses distractions il mangeait à lui seul toute la pyramide des tartines beurrées. — Helas ! il ne m’aime plus, se disait la désolée jeune fille.

Or, c’était là à peu près ce que se disait en même temps M. Conway. — Le diable m’étrangle, pensait-il, si j’entends un mot à ce qui se passe en moi. J’imagine, à mes fréquentes agitations, que je suistoujours amoureux ; mais je ne me sens troublé qu’à Londres. À Kensington, je suis aussi calme que les flots de la Serpentine. Assurément, si j’aime encore, ce n’est plus Maria. Pson pas que si causerie ait pour moi moins de charme qu’autrefois ; non pas qu’elle me semble moins judicieuse et moins estimable ; mais c’est l’impertinence de ce maudit nez rouge qui me crève les yeux in-