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REVUE DE PARIS

une larme coule de ses yeux, quelquefois un sourire ironique erre sur sa lèvre ; mais, dans ses éloges comme dans ses blâmes, elle s’efforce de conserver la même gravité ; elle sait quel langage on doit tenir aux puissans de la terre, que leur couronne soit d’or ou de laurier.

Or, ce qui frappe au premier abord dans le nouveau volume de poésies de M. Victor Hugo, c’est cette perpétuité d’idées, cette identité de forme, qui le rattache aux autres ouvrages du même auteur. Quoi ! tout se transforme en nous et autour de nous ; nous avons renoncé en littérature, en politique, aux émeutes et aux utopies ! Seul, cet homme est resté le même. Le frottement du siècle, le contact des hommes, n’a arrondi aucune des aspérités de ce talent anguleux, n’a modifié aucun des instincts de sa nature âpre et destructive ; je dirai plus, il y a évidemment retour vers les premières inspirations de sa jeunesse. Les Chants du Crépuscule se rapprochent, par l’inspiration, des Odes, par la forme, des Orientales. Le volume des Feuilles d’Automne reste comme un tableau sans pendant dans la galerie des œuvres du poète. Pour notre part, nous sommes heureux que les choses aient tourné de cette façon. Les Feuilles d’Atitomne, en poésie, et le drame d’Angelo, c’est-à-dire les deux plus grands succès de M. Hugo, le drame et le livre qui aient été le mieux accueillis de la critique et du public bourgeois, sont des concessions que l’on ne fait pas deux fois ; je dirai presque qu’elles sont indignes de M. Hugo. Dans ces deux essais, il a perdu en originalité ce qu’il a pu gagner en correction. Le vers des Feuilles d’Automne, plus raisonnable, plus symétrique, ne vaut pas, selon nous, le vers luxuriant, inégal, épanoui, des Orientales et des Chants du Crépuscule. Il s’agit ici d’art pur et de définir bien nettement la nature et le caractère de la poésie de M. Hugo. Nous prendrons pour exemple quelques-uns des plus beaux vers des Feuilles d’Automne.


Ô rois ! veillez, veillez, tâchez d’avoir régné ;
Ne nous reprenez pas ce qu’on avait gagné,
Ne faites pas du poids d’une bride rebelle
Cabrer la liberté qui vous porte avec elle.
Soyez de votre temps, écoutez ce qu’on dit,
Et tâchez d’être grand, car le peuple grandit.

Veut-on, au contraire, une preuve du retour de M. Hugo à la période immense, aux mille reflets, aux détours infinis de la pensée, nous ouvrirons au hasard les Chants du Crépuscule.