Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
51
REVUE DE PARIS

Oui, ce qui sortira par sanglots, par éclairs,
Comme l’eau du glacier, comme le vent des mers,
Comme le jour à flots des urnes de l’aurore.
Ce qu’on verra jaillir et puis jaillir encore
Du clocher toujours droit, du front toujours debout,
Ce sera l’harmonie immense qui dit tout.
Tout ! les soupirs du cœur, les élans de la foule.
Le cri de ce qui monte et de ce qui s’écroule,
Le discours de chaque homme à chaque passion,
L’adieu qu’en s’en allant chante l’illusion,
L’espoir éteint, la barque attachée à la grève,
La femme qui regrette et la vierge qui rêve…
L’autel enveloppé d’encens et de ûdèles.
Les mères retenant leurs enfans auprès d’elles,
La nuit qui chaque soir fait taire l’univers…
Les couchans flamboyans, les aubes étoilées.
Les heures de soleil et de lune mêlées,
Et les monts et les flots proclamant à la fois
Ce grand nom qu’on retrouve au fond de toute voix !

Quel luxe d’images ! quelle exubérance de sève ! quelle fécondité inépuisable !

Nous avons principalement insisté sur cette continuité de forme, parce qu’elle seule a besoin d’être rappelée au lecteur ; quant aux sujets que le poète a noyés dans des fleuves de diamans et de rubis, il n’est pas moins facile de déduire leur filiation. Ainsi deux de ces pièces sont adressées à Canaris ! Le poète lui-même semble s’excuser de cette évocation inattendue d’une époque déjà loin de nous.


D’où vient que ma pensée encor revole à toi,
Grec illustre, à qui nul ne songe, excepté moi.

Les Chants du Crépuscule sont le fruit de trois inspirations bien distinctes : l’une politique, l’autre d’amour, la troisième philosophique.

Si nous nous en rapportons à la préface des Feuilles d’Automne (novembre 1831), époque à laquelle une partie des pièces politiques insérées dans ce volume étaient déjà connues du public, M. Hugo « tenait en réserve un recueil de poésies politiques, attendant pour le publier un moment plus littéraire. » Ce sont ses propres expressions. Or le nombre des pièces politiques insérées parmi les Chants du Crépuscule