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REVUE DE PARIS

est de dix seulement ; quatre ont déjà paru dans les journaux ; les six autres sont postérieures à août 1832. Ou M. Hugo a retenu dans son portefeuille les autres pièces politiques, ou il a abandonné son premier projet d’en composer un recueil dont l’unité n’eût pas été le moindre mérite. Contentons-nous donc de ce qu’on a bien voulu nous octroyer. Une de ces pièces qui a pour titre Noces et festins, rappelle involontairement les grands tableaux de Martin, et en particulier le Festin de Balthasar ; tout y est mêlé et infini ; cette confusion a du grandiose ; l’idée qui termine est celle de toutes les compositions d’un autre grand peintre religieux, Holbein ; c’est la mort, la mort au pied pesant qui entre dans la salle du banquet, qui choisit un convive, le plus ivre souvent,


L’arrache du milieu de la table effrayée,
Et l’emporte la bouche encor mal essuyée.

Et puisque nous sommes dans les comparaisons de la poésie à la peinture, nous citerons ces six vers, pieux hommage rendu à la mémoire de Léopold Robert, qui voilait sous un regard serein l’orage de son âme ;


Il te reste, ô mon Grec ! la douceur d’entrevoir
Une femme de Thèbe ou bien de Salamine,
Paysanue à l’œil fier, qui va vendre ses blés.
Et pique gravement deux grands bœufs accouplés.
Assise sur un char d’homérique origine,
Comme l’antique Isis des bas-reliefs d’Egine.

L’imprécation lancée à l’homme qui a livré une femme, est coulée d’un seul jet dans le moule de Juvénal. On sent que la plume a été plus lente à tracer les vers sur le papier que les mots eux-mêmes à sortir du cerveau du poète. Ceci n’est point une affaire de parti, n’étant plus reine, elle était encor femme ; c’est la moralité, c’est la pudeur publique qui a été outragée, foulée aux pieds. C’est une femme qui a été deshonorée brutalement à la face d’un pays civilisé. Il est remarquable que les deux hommes qui se sont fait dans cette occasion les organes de rindignatiou publique, soient précisément ceux que l’on a accusés de prêcher l’immoralité et l’anarchie : Victor Hugo et l’abbé de La Mennais.

Ces poésies véhémentes et passionnées que M. Hugo voudrait que l’on appelât historiques, ont-elles en effet la gravité, la véracité, la puissance nécessaire pour marcher de front aux yeux de la postérité