Page:Revue de Paris - 1835 - tome 23-24.djvu/556

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
REVUE DE PARIS.

cela, j’userai de générosité, et je vous montrerai M. Hugo dans le Roi s’amuse, pièce qui, par une circonstance singulièrement heureuse pour l’auteur, ayant été défendue par le gouvernement, a acquis une célébrité beaucoup plus grande qu’aucun autre de ses drames.

Dans la première joie qu’a inspirée à cet heureux auteur la gloire de voir sa pièce défendue, il paraît en avoir tout-à-fait perdu la tête. La préface du Roi s’amuse, entre autres symptômes de démence, contient les passages suivans :

« Le premier mouvement de l’auteur fut de douter… L’acte était arbitraire au point d’être incroyable… L’auteur ne pouvait croire à tant d’insolence et de folie… Le ministre avait en effet, de son droit divin de ministre, intimé l’ordre… Le ministre lui avait pris sa pièce, lui avait pris son droit, lui avait pris sa chose. Il ne restait plus que de le mettre, lui, poète, à la Bastille… Est-ce qu’il y a eu, en effet, quelque chose que l’on a appelé la révolution de juillet ?… Quel peut être le motif d’une pareille mesure ?… Il paraît que nos faiseurs de censure se prétendent scandalisés dans leur morale par le Roi s’amuse ; le nom seul du poète inculpé aurait dû être une suffisante réfutation…… (!  !  !). Cette pièce a révolté la pudeur des gendarmes ; la brigade Léotaud y était et l’a trouvée obscène ; le bureau des mœurs s’est voilé la face ; M. Vidocq a rougi… Holà ! mes maîtres ! silence sur ce point… Depuis quand n’est-il plus permis à un roi de courtiser sur la scène une servante d’auberge ?… Mener un roi dans un mauvais lieu, cela ne serait pas même nouveau non plus… L’auteur veut l’art chaste, et non l’art prude… Il est profondément triste de voir comment se termine la révolution de juillet… »

Après cela vient un précis de l’extravagante et odieuse intrigue de la pièce, dans laquelle l’héroïne est, selon l’usage, une fille séduite et perdue ; et il termine en disant avec emphase : « Au fond d’un des ouvrages de l’auteur, il y a la fatalité… Au fond de celui-ci, il y a la providence. »

Je souhaiterais beaucoup que quelqu’un pût recueillir et publier séparément toutes les préfaces de M. Victor Hugo ; j’achèterais sur-le-champ le volume, qui serait pour moi une source inépuisable d’amusement. Il y prend un ton qui, tout considéré, est peut-être sans exemple dans la littérature. Dans une autre partie de la même préface dont je viens de citer quelques passages, il dit :

« …… Vraiment le pouvoir qui s’attaque à nous n’aura pas gagné