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REVUE DE PARIS.

Ayant renvoyé sa fille, il règle avec un Bohémien, nommé Saltabadil, frère de Maguelonne, tous les détails de l’assassinat qui doit se commettre dans leur maison, cabaret borgne, où le mauvais temps et la beauté de Maguelonne engagent le royal libertin à passer la nuit. Triboulet leur laisse un vieux sac, dans lequel ils doivent envelopper le corps, et promet de revenir à minuit, afin de le voir de ses propres yeux jeter dans la Seine.

Pendant ce temps Blanche est partie ; mais éprouvant quelques remords de l’assassinat projeté de son amant, elle revient, et mettant de nouveau l’oreille au trou dans le mur, elle reconnaît que sa majesté est allée se coucher dans le grenier, et que le frère et la sœur se consultent sur la manière de le tuer. Maguelonne, qui est une femme très délicate, fait aussi des difficultés ; elle admire la beauté du roi et propose de l’épargner, pourvu que quelque étranger survienne, dont le corps puisse servir à remplir le sac. Blanche, dans un accès de tendresse héroïque, se résout à être elle-même cet étranger, et s’écrie :

Eh bien ! mourons pour lui.

Mais avant de frapper à la porte, elle se met à genoux pour faire sa prière et surtout pour demander à Dieu le pardon de tous ses ennemis. C’est là que se trouvent les vers qui font partie de ceux qui ont renversé Racine.

BLANCHE.

Ô Dieu, vers qui je vais,
Je pardonne à tous ceux qui m’ont été mauvais ;
Mon père, et vous, mon Dieu !… pardonnez-leur de même ;
Au roi François premier que je plains et que j’aime.

Elle frappe ; la porte s’ouvre ; elle est poignardée et mise dans le sac. Son père arrive immédiatement après, comme s’il y avait été appelé ; il reçoit le sac et s’apprête à le traîner vers la rivière, et le maniant avec tout l’enthousiasme de la vengeance, il s’écrie :

Maintenant, monde, regarde-moi :
Ceci c’est un bouffon et ceci c’est un roi.

Dans ce moment de triomphe, il entend le roi qui chante en sortant de la maison de Maguelonne.

TRIBOULET.

Mais qui donc m’a-t-il pris à sa place, le traître ?