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REVUE DE PARIS

avec les témoignages les plus dignes de foi, et tenir lieu, par exemple, de ces grandes chroniques rhythmées qui conservaient pour les patriciens de Rome l’histoire des premières années de la ville éternelle ? Nous ne le croyons pas. Il faut bien distinguer cependant les tentatives de M. Hugo et de M. Barbier, des Messéniennes, qui jadis… des poèmes de Barthélémy, qui depuis… La poésie politique ne doit jamais raconter un fait particulier, une crise passagère ; il lui faut résumer, autant que possible, l’esprit d’une époque, agrandir les évènemens. C’est à ce litre que la Curée et l’Ode à la colonne resteront, tandis que les ombres de l’oubli et de l’indifférence s’épaississent de tous côtés autour de la Messénienne sur l’enlèvement des statues, et du poème sur le Fils de l’homme.

À côté de la corde d’airain que le poète avait ajoutée à sa lyre, s’en trouve une autre détrempée dans les pleurs, dans des pleurs de joie et d’amour. Quatorze fois sa lyre a vibré sous un souvenir tout personnel, tout intime : à qui sont adressés ces vers d’amour ? À quelle période de la vie de M. Hugo appartiennent-ils ? Je l’ignore. Eux seuls, parmi toutes les autres compositions du même auteur, n’ont point de date. Il est des voiles qu’il ne faut point soulever, des secrets qu’il ne faut point approfondir, par respect pour cette même pudeur publique que M. Hugo a si noblement vengée dans la personne de Madame. M. Hugo nous a appris que celle qui seule pouvait punir, seule avait pardonné ; mais peut-il se pardonner à lui-même ?

Nous ne nous sentons guère le courage de remuer ce qui aurait dû rester enseveli dans les abîmes du cœur, et nous ne pouvons concevoir l’aveuglement qui a pu pousser M. Hugo à éterniser le souvenir d’un moment d’erreur, autrement que comme une de ces expiations dont on est souvent l’instrument involontaire. Un seul des chapitres de cet étrange roman offre quelque étendue, c’est celui qui a pour titre au bord de la mer ; toutes les autres pièces sont des feuilles légères, volantes, mais qui, hélas ! dureront plus long-temps que le marbre et l’airain ; des chansons, mais si douces, que les rossignols des bois en mourraient de jalousie.

Talent, esprit, renommée, êtes-vous donc aussi bien au service des passions coupables que des passions honnêtes ? Oh ! le cœur de l’homme, abîme sans fond, mystère inexplicable ! Dieu seul est notre juge à tous !

Nous arrivons à la troisième partie de ce volume, à celle qui lui a donné son nom, à la partie philosophique. Le critique le plus distingué