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REVUE DE PARIS

tinta dont l’honorable M. Ch. Dupin les a impitoyablement affublés en manière de bonnet d’âne : véritables déserts dont il n’a vu que les sables, sans jamais s’arrêter aux oasis que l’on y rencontre.

Un observateur, que les évènemens avaient conduit dans cette Thébaïde, assista l’année dernière à l’une de ces représentations, et, certes, il y avait du courage dans sa détermination, car la pièce dura huit jours, et l’on commençait à une heure de l’après-midi pour finir à sept heures du soir ; — mais il voulait avoir une idée bien exacte de ces sortes de spectacles, et nous recueillons aujourd’hui le fruit de son patient examen.

Le théâtre, construit de tonneaux vides, de charrettes, de planches, de vieilles tapisseries et de draps d’une blancheur équivoque, s’élevait dans une vaste prairie, Colysée champêtre, dont les anfractuosités naturelles formaient les gradins. Là se trouvaient réunis plusieurs milliers d’individus qui observaient un silence digne du balcon des Italiens, tant que les acteurs tenaient la scène, mais dont les cris auraient étouffé les roulemens du tonnerre dans les entr’actes, et qui ne se faisaient point scrupule de boire et de fumer à la barbe du Père-Éternel, quand il ne quittait pas lui-même la scène pour aller dans les coulisses savourer un verre de cidre et secouer un peu l’inactive gravité qu’il était tenu d’observer, sous peine de passer pour un mauvais acteur.

On donnait le Commencement et la fin du monde, pièce en trente-sept tableaux : la création, le péché d’Adam, la mort d’Abel, le déluge, le sacrifice d’Abraham, les principales circonstances de l’histoire des Juifs, la passion, la résurrection, le jugement dernier. Ce tableau était ce qu’on appelle le bouquet, terme dont on se sert aussi en Bretagne pour désigner le dernier sermon que prononce le prédicateur du carême, sermon qui attire toujours une telle affluence d’auditeurs, que chaque prédicateur a soin de fixer son bouquet à un jour différent de la semaine de Pâques ; car il se fait des migrations de pai’oisse à paroisse pour profiter du dernier effort d’éloquence du Massillon cantonnai, qui réserve pour ce jour-là ce qu’il peut inventer de plus pathétique.

Dans le premier tableau, la création, le Pére-Éternel, couvert