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REVUE DE PARIS

d’une chape, mitre en tête, et crosse en main, escorté de deux archanges en aubes et en dahnatique, entouré d’anges en robes sales avec des ailes en papier doré, vient relever Adam étendu sur le théâtre en robe de chambre et en bonnet de coton. Adam est vieux dans la pièce comme dans l’esprit des Bretons, qui, l’appelant le père Adam, ne peuvent imaginer, pour le représenter, autre chose qu’un vieillard, et l’habillent comme le Malade imaginaire.

Vient ensuite la création d’Ève. Un rustre sort de dessous le théâtre pendant le sommeil d’Adam, avec le costume de femme du pays, les barbes de la coiffe tombant comme aux jours de deuil, et les épaules recouvertes d’une peau de mouton ; puis Adam et Ève se promènent ensemble d’un bout à l’autre du théâtre, en célébrant le bonheur d’habiter le jardin de délices, dans un rhythme barbare, espèce de mélopée aussi sauvage que monotone. Tout cela devant le Père-Éternel, assis gravement au fond du théâtre, toujours enrobe de chambre, et entouré d’une escouade d’archanges qui mangent à la dérobée des pommes et des galettes de sarrasin.

Dans la tentation du premier homme, le serpent, sous la figure d’un mauvais ange, présentait la funeste pomme à Ève, qui succombant, mangeait la moitié de la pomme, qu’elle partageait proprement avec un couteau eustache. Adam dévorait le reste ; puis le Créateur se fâchait tout rouge, chassait les deux pécheurs, qui sortaient de la scène pour courir à la cantine. Alors les démons, en habits d’arlequin, le front armé de cornes de boucs et de béliers, envahissaient le théâtre, dansaient en réjouissance de la conquêie qu’ils venaient de faire sur le genre humain, avec les poses les plus grotesques, malgré les menaces du saint des saints, auquel on manquait publiquement de respect, et qui se voyait forcé d’envoyer de sa droite l’archange Michel à la poursuite de ces vauriens. L’archange les précipitait aux enfers à grands coups d’une épée flamboyante, qui n’était autre chose qu’un briquet de la garde nationale.

Ces tableaux suffiront sans doute pour donner une idée du lalent des Sophocle, des Talma et des Cicéri des Côtes-du-Nord.