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les choses et les actes d’un autre âge. Ainsi s’expliquent, non seulement tant de coutumes bizarres, mais tant de péripéties sanglantes dont l’adoucissement de nos mœurs politiques et privées double aujourd’hui l’horreur pour qui les isole des faits contemporains. Privés de ces moyens d’investigation universelle et de communication rapide qui constituent la haute police, avec une administration entravée par l’exercice de tant d’immunités diverses, peu sûrs de tribunaux souvent hostiles, les gouvernemens n’étaient instruits des complots qu’au moment où le cours de la justice eût été impuissant ou opposé à les prévenir. On demandait alors à la violence ce que les lois paralysées par mille entraves eussent refusé ou fait trop attendre : le poignard tranchait tous les nœuds politiques. Les meneurs de chaque parti, princes et sujets, orthodoxes ou dissidens, venaient tomber tour à lour dans des guet-apens effroyables, mais qui semblaient alors chose toute simple aux gens qui étaient de leur temps, et presque tout le monde était du sien. S’élever au-dessus des influences et des idées de son siècle, en effet, c’eût été le génie ; et ceux qui imputeteraient à crime à des individus de ne pas s’être affranchis de ces influences, s’exposeraient à trouver trop de coupables, même parmi les contemporains.

Les divertissemens, qui ont prêté matière à tant de creuses déclamations, jouissaient encore, ainsi que les mystères, d’une grande vogue, lorsqu’il leur surgit une redoutable concurrence. En possession de représenter certaines pièces à certaines époques, lei clercs de la bazoche imaginèrent d’étendre leur cadre dramatique ; mais arrêtés par le privilège des confrères de la Passion, ils durent chercher des routes nouvelles à la scène qu’ils voulaient créer. Les confrères exploitant exclusivement les sujets religieux, ils demandèrent des inspirations à la satire, et prêchèrent la morale sous le voile d’une allégorie très diaphane en personnifiant les vices et les vertus ; celles-ci finissant toujours par triompher pour la plus grande édification des spectateurs, qui, soit dit en passant, n’en devinrent ni pires, ni meilleurs. Telle fut l’orimne des moralités qui diffèrent en cela des mystères qu’un grand nombre de leurs sujets implique réellement une « moralité. » C’est