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REVUE DE PARIS.


XIX.


Dans la nuit même qui suivit cette translation, c’est-à-dire pendant la première nuit de tristesse et d’horreur que nous passâmes à Vincennes dans de véritable cachots, l’or et toutes les richesses que recelait le caveau de maître Jean d’Anspach furent enlevés et versés dans la cassette du roi.

La nuit d’ensuite, selon le désir de sa majesté, les salles souterraines que le vieil usurier avait fait construire avec tant de soin et de frais, furent comblées et remplies de terre et de débris de toutes sortes, jusqu’au haut de l’ouverture ; si bien que toutes traces en ont disparu, et qu’il serait bien difficile aujourd’hui d’en indiquer la place.

La première attention de M. le geôlier en chef du Donjon ne fut pas généreuse ; il me sépara de mes compagnons d’infortune, qui furent sans doute aussi séparés l’un de l’autre. Je ne les revis plus depuis lors, j’ignore totalement ce qu’ils sont devenus.

Quant à Suzanne, grâce sans doute à sa beauté, elle ne fat point enfermée à Vincennes. On dit même que M. d’Argenson en avait parlé si galamment au roi, que le monarque, dont l’aversion pour les sorciers s’était probablement fort diminuée depuis que ses coffres avaient été remplis à leurs dépens, voulut qu’elle vint se faire voir à Versailles, qu’elle y parût même dans son beau costume de devineresse qu’elle portait le jour de notre arrestation devant la caverne. — Ce qu’il advint de cette visite à la cour et de la tendresse de M. le lieutenant-général, c’est tout une longue et amoureuse histoire, que ce n’est pas ici le lieu de raconter.

D’ailleurs le temps aujourd’hui nous manque pour cela, ajoutait M. de Brederode ; Dijon, notre bon porte-clés, est là qui nous attend et s’impatiente.

Dijon, ne vous fâchez pas, nous sommes à vous, nous vous suivons.


XX.


Voici, comme nous l’avons dit au commencement de ce travail sur M. de Brederode, l’étrange fable que ce gentilhomme hollandais racontait ordinairement à ses compagnons de captivité.