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LE FEU

chevelure fameuse, est resté en travers de l’appareil vaste et délicat, dont il a obstrué le cœur sonore.

— Mais Ornitio ?

— Ornitio recueille sur l’eau la tête sanglante et s’envole vers la mer. Les hirondelles sentent sa fuite et le suivent. En quelques instants se forme derrière le fugitif un nuage blanc et noir d’hirondelles. À Venise et dans les îles tous les nids sont déserts, par suite de ce départ hors de saison. L’Été est sans vols. Septembre est sans les adieux qui le faisaient triste et gai.

— Et la tête de Dardi ?

Dove sia nessun lo sa ! [1] — conclut en riant le conteur.

Et, de nouveau, il prêta l’oreille à ce chant aérien où il commençait à distinguer un rythme.

— Entends-tu ? dit-il.

Et il fit signe aux gondoliers de s’arrêter. Les rames demeurèrent levées sur les fourches. Le silence était si profond que, comme on entendait de loin le chant des oiseaux, on entendait de près l’égouttement des pales.

Le xe le calandrine, — avertit Zorzi à voix basse, — che, povarete, le canta anca lore le Iode de San Francesco[2].

— Rame !

La gondole glissa sur l’eau comme sur un lait diaphane.

— Veux-tu, Fosca, que nous allions jusqu’à San-Francesco ?

Elle avait la tête basse, et elle songeait.

— Peut-être y a-t-il un sens caché dans ton invention, — lui dit-elle après un moment de silence. — Peut-être ai-je compris.

— Oui, hélas ! entre mon audace et celle du maître verrier, il y a peut-être quelque ressemblance. Je devrais peut-être, moi aussi, porter autour du cou un fil d’écarlate, en guise d’avertissement.

— Tu l’auras, toi, ta belle destinée. Pour toi, je ne crains rien.

  1. « Où elle est, nul ne le sait. » — Vers traditionnel qui clôt les contes populaires en Italie.
  2. « Ce sont les alouettes qui, les pauvres, chantent, elles aussi, les louanges de saint François. »