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tefaix jusqu’à ce que j’eusse trouvé le moyen d’envoyer en avant mes livres et mes affaires.

— Très bien, je comprends.

— Et alors, il a fallu que cette sale bête essayât de me voler ! Il a caché mes livres, Kemp ! caché mes livres !… Si je parviens jamais à mettre la main sur lui !… Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de lui reprendre les livres d’abord. Mais où est-il ? Le savez-vous ?

— Il est au poste de police de la ville, enfermé sur sa propre demande dans la cellule la plus forte de l’endroit.

— Le coquin !

— Cela vous retarde un peu.

— Il faut que nous ayons ces livres ; ils sont d’un intérêt capital.

— Certainement ! — fit Kemp, qui se demandait, un peu nerveux, s’il n’entendait point des pas au-dehors. — Certainement, il faut que nous ayons ces livres. Mais cela ne sera pas bien difficile, s’il ne sait pas ce que ces livres représentent pour vous.

— Non, il ne le sait pas, dit l’homme invisible.

Et il se prit à réfléchir.

Kemp s’efforçait d’imaginer quelque chose pour renouer la conversation, lorsque Griffin reprit de lui-même :

— Le fait que je suis tombé ainsi dans votre maison, Kemp, change tous mes plans ; car vous êtes, vous, en état de comprendre. Malgré tout ce qui est arrivé, malgré cette publicité, malgré la perte de mes livres et tout ce que j’ai souffert, il ne me reste pas moins la possibilité de faire de grandes choses, des choses énormes… Vous n’avez dit à personne que j’étais ici ? demanda-t-il brusquement.

Kemp hésita.

— Cela allait de soi, fit-il.

— À personne ? insista Griffin.

— À âme qui vive !

— Ah ! Eh bien…

L’homme invisible se leva et, les poings sur les hanches, il arpenta le cabinet.

— J’ai fait une sottise, Kemp, une grosse sottise, en entreprenant l’expérience à moi tout seul. J’ai perdu mes forces, du