Page:Revue de Paris - 1901 - tome 1.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La voix était, croyait-il, devant lui à gauche. S’il essayait d’une balle !…

— Où allez-vous ? demanda la voix.

Les deux interlocuteurs firent un mouvement rapide ; le revolver brilla dans la poche entrebâillée du colonel. Celui-ci renonça à tirer, il réfléchit.

— Où je vais ? reprit-il lentement. Cela, c’est mon affaire.

Ces mots étaient encore sur ses lèvres qu’un bras lui entoura le cou ; il reçut un genou dans le dos et fut entraîné à la renverse. Il tira son arme gauchement, et fit feu à tout hasard : aussitôt il reçut un coup sur la bouche et le revolver lui fut arraché de la main. Vainement il s’efforça d’empoigner une jambe insaisissable et de se dégager ; il tomba en arrière.

— Sacré !… fit-il.

La voix éclata de rire :

— Je vous tuerais tout de suite, prononça-t-elle, si ce n’était perdre une balle.

Adye vit le revolver en l’air, à six pieds devant lui, qui le visait.

« Alors ? demanda-t-il, en se mettant sur son séant.

— Levez-vous !

Adye se leva.

— Attention ! — commanda la voix, d’un ton ferme. — N’essayez pas de jouer avec moi. Rappelez-vous que, moi, je vois votre figure, si vous ne voyez pas la mienne. Vous allez retourner à la maison.

— Mais il ne me laissera pas rentrer.

— Tant pis ! Ce n’est pas à vous que j’ai affaire.

Adye se passa encore la langue sur les lèvres. Détournant ses regards, il vit au loin la mer bleue et sombre sous le soleil de midi, le gazon bien tondu à ses pieds, la blanche falaise, la ville tumultueuse ; et, tout à coup, il connut que la vie est bien douce. Ses yeux se reportèrent sur ce petit objet de métal, suspendu entre ciel et terre, à six pieds devant lui.

— Que faut-il que je fasse ? demanda-t-il d’un ton morne.

— Comment ! « Que faut-il que je fasse ? » vous n’avez qu’à vous en retourner.