Page:Revue de Paris - 1901 - tome 1.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

étaient rouges comme des grenats. Ses mains étaient fermées, ses yeux grands ouverts, avec une expression de colère et de désespoir.

— Couvrez-lui la figure ! cria quelqu’un. Pour l’amour de Dieu, qu’on lui couvre la figure !

Des Joyeux Joueurs de Cricket, on apporta un drap ; puis, l’en ayant recouvert, on l’emporta dans l’auberge… Et il était là, sur un lit sordide, dans une chambre vulgaire et mal éclairée, au milieu d’une foule ignorante et bruyante, brisé, blessé, trahi, sans que personne le prît en pitié, ce Griffin, le premier homme qui se soit rendu invisible, Griffin, le physicien le mieux doué que le monde ait jamais eu : il avait achevé, dans une catastrophe inouïe, son étrange et terrible carrière.


ÉPILOGUE


Ainsi finit l’expérience, non moins bizarre que criminelle, de l’homme invisible. Si vous voulez en savoir davantage sur son compte, il faut aller à une petite auberge, auprès de Port-Stowe, et parler au patron. Sur l’enseigne, on ne voit que des bottes et un chapeau, avec cette inscription :

À l’Homme invisible

Le patron est un petit homme, court et gros, avec un nez proéminent de forme cylindrique, des cheveux en baguettes de tambour, la figure rose comme du corail. Buvez généreusement, et il vous racontera généreusement, lui, tout ce qui lui advint après l’affaire, et comment les gens de loi essayèrent de lui « carotter » l’argent trouvé dans ses poches.

— Quand ils reconnurent qu’ils ne pouvaient pas établir à qui était l’argent, je veux être pendu, répèta-t-il, s’ils n’ont pas voulu me faire passer pour un trouveur de trésor… Voyons, est-ce que j’ai l’air d’un trouveur de trésor ? Puis, un monsieur me donna une guinée, certain soir, pour raconter l’histoire au café-concert de l’Empire

Et, si vous éprouvez le besoin d’interrompre brusquement le cours de ses souvenirs, cela vous sera toujours facile :