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LA REVUE DE PARIS

à Newnham, château du comte d’Harcourt, une galerie de tableaux, où se trouvent trois Murillo, un Enfant piqué d’un freslon, deux Mendiants et une Cour de ferme ; Ulysse et Nausicaa par Salvator Rosa ; une Musulmane s’embarquant avec ses esclaves et ses bagages par Watteau, etc., etc. Dans une autre maison, j’ai vu un Joueur de violon, de Murillo encore ; cette figure pâle et pauvre, gravée de petite vérole, et d’une couleur si blanchâtre, ce nez épaté et sans forme bien nette, cette bouche entr’ouverte pour chanter, ces mains d’un blanc sale, aussi marquées de petite vérole, tout cela est d’une nature si humaine, si mendiante, qu’on ne peut s’en détacher, et qu’on souffre à la voir.

La cathédrale de Winchester est un admirable monument, de deux époques, la nef est gothique et les côtés de la croix sont saxons. La tour est carrée, à la saxonne, ce me semble que c’est grand et simple ! La cathédrale de Salisbury, toute gothique, a une flèche merveilleusement élancée ; l’intérieur est un peu simple ; il y a trop de nudité ; mais, en somme. que d’élégance et de grandeur ! Que le mot de nef s’applique bien au corps des églises gothiques ! Saint-Ouen, sans ses tours et ses clochers, ressemble à une frégate démâtée, mais fine et légère encore. Ôtez à Saint-Paul ses tours et ses dômes, vous n’aurez plus qu’une carcasse de prame ou de gabarre.

J’ai vu Westminster-Abbey ; il faut dire que c’est admirable en somme, puis regretter en détail tant de mauvais goût dans les tombes qui remplissent l’église, tant de restaurations d’un gothique moderne trop simple, la perte des vitraux ; dans la chapelle de Henri VII, il ne faut qu’admirer et se récrier.

À propos de vitraux voici une idée qui m’est venue. Ces peintures à tout moment brisées par les carreaux me font l’effet de vos petites ballades à tout moment brisées par le rythme (de vos bas-reliefs gothiques que j’appellerai plus volontiers vos vitraux gothiques).

En pareille composition il n’y a pas grand mal qu’on voie la trace des brisures, pourvu que l’effet total, la posture du personnage, sa dégaine monacale, épiscopale ou royale soit fidèlement reproduite. Aussi quelle puérilité suivant moi de s’attacher à sauver entièrement la trace de ces brisures comme ce peintre moderne qui, dans l’église de Salisbury, a fait