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FACHODA

antérieurs et relativement aux prétentions de l’Égypte dans la vallée du Nil, prétentions qui, ainsi que nos vues, sont clairement connues du gouvernement français, je déclare qu’il m’est impossible d’admettre que ces rumeurs méritent créance ; car la marche en avant d’une expédition française partie de l’Afrique occidentale et pénétrant en vertu d’instructions secrètes dans un territoire sur lequel nos droits sont notoires depuis si longtemps, ne serait pas seulement un acte inconsistant et inattendu ; mais il doit être parfaitement entendu du gouvernement français que ce serait un acte non amical (unfriendly) et qu’il serait considéré comme tel par l’Angleterre.

Ce langage, qui de toutes façons aurait gagné à être plus mesuré, présentait le même défaut que les actes du 1er juillet 1890 et du 12 mai 1894. C’était toujours la même confusion entre les prétentions de l’Angleterre et les droits du Khédive ou du Sultan. On ne saurait trop le répéter. Si l’Angleterre parlait au nom du Sultan ou de son délégué le Khédive, il fallait le dire explicitement et en donner la preuve ; alors la France aurait dû s’incliner. Si au contraire l’Angleterre parlait en son propre nom, comme cela résulte du contexte du discours, la France n’avait à en tenir nul compte ; l’Angleterre n’avait pas plus de droits sur les territoires désignés que la France ou que toute autre nation. Nous ne pouvions donc pas nous laisser arrêter par de pareilles déclarations. Aussi reprîmes-nous le projet qui avait été formé en 1893 et que la convention avec le Congo du 14 août 1894 avait paru rendre inutile, à savoir la mission vers le Haut-Nil[1].

L’incident de la Chambre des communes eut son contre-coup naturel au Parlement français. Le 5 avril 1895, M. le sénateur de Lamarzelle demanda au ministre des Affaires étrangères quelles étaient les vues du gouvernement. M. Hanotaux répondit en termes d’une parfaite clarté. Il résuma ses explications dans cette phrase, qui ne laissait subsister aucun doute « Quoi qu’il en soit, la position prise par la France

  1. Le 22 août 1894, le gouvernement, jugeant que nos intérêts étaient suffisamment défendus par la convention du 14 août, contremanda la marche sur Fachoda, primitivement décidée à Paris, et donna ordre au colonel Monteil, qui venait de débarquer à Loango, de se porter sur la côte d’Ivoire pour combattre Samory dans le pays de Kong. Il n’est pas douteux que la brillante personnalité du colonel Monteil avait dû augmenter, aux yeux des Anglais, l’importance de la mission ; mais ils ne pouvaient pas ignorer, au moment où Sir Grey tenait son langage provocant, que la situation du colonel était changée depuis sept mois.