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LA REVUE DE PARIS

est la suivante : les régions dont il s’agit sont sous la haute souveraineté du Sultan. Elles ont un maître légitime, c’est le Khédive. » La conclusion, très applaudie du Sénat, est à retenir : « Quand l’heure sera venue de fixer les destinées définitives de ces contrées lointaines, je suis de ceux qui pensent qu’en assurant le respect des droits du Sultan et du Khédive, en réservant à chacun ce qui lui appartiendra selon ses œuvres, deux grandes nations sauront trouver les formules propres à concilier leurs intérêts et à satisfaire leurs communes aspirations vers la civilisation et le progrès. » Par ces mots : « à chacun selon ses œuvres », l’orateur officiel indiquait clairement que, sur les domaines non revendiqués par le Sultan, la France et l’Angleterre entreraient en partage selon le droit du premier occupant.

Il était dès lors logique, au moment où Sir Grey paraissait oublier l’existence de ce droit, que le gouvernement français ne se bornât pas au texte de la convention congolaise du 14 août 1894, devenue, semblait-il, insuffisante pour préserver l’avenir, mais qu’il procédât à une exploration effective des territoires énumérés dans cet acte diplomatique. Le colonel Marchand, alors capitaine Marchand, qui devait illustrer le nom français dans ces régions en partie inconnues, fut chargé d’atteindre l’objectif antérieurement assigné au colonel Monteil : la ville de Fachoda sur le Haut-Nil, à une centaine de kilomètres au nord de l’embouchure du Sobat. Il débarqua à Loango le 22 juillet 1896 et se mit à la disposition du gouverneur, M. Liotard, sous les ordres duquel il était placé. Il ne tarda pas à s’acheminer vers le Congo et l’Oubanghi et gagna la région où M. Liotard opérait. Déjà celui-ci avait planté le drapeau français à Tamboura, sur la lisière du Bahr-el-Ghazal, jalonnant ainsi une première route vers le Nil. Je ne retracerai pas les fatigues inouïes, les privations de toutes sortes qu’eut à supporter la petite colonne du capitaine Marchand, avançant à travers les cours d’eau et les marais sans nombre d’un pays absolument dépourvu de ressources. Il fallut une admirable endurance chez les hommes et des prodiges d’énergie et de sang-froid chez le chef pour qu’une expédition aussi aventureuse ait pu être menée à bien. Enfin, le 10 juillet 1898, après deux ans d’efforts, Marchand