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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

commerciale, et l’affranchissement de la pensée humaine rendu complet, le sol, où tant de germes pleins de promesses viennent d’être déposés, ne cesse d’être ébranlé par de continuelles secousses, et chaque réforme est comme un enfantement douloureux et stérile qui s’accomplit dans de fatales convulsions.

Quel était donc ce mal étrange, d’où venait cette plaie secrète que rien ne pouvait guérir et qui s’élargissait à mesure que les remèdes étaient plus généreusement distribués ?

II

C’est le côté triste de cette histoire, comme c’est le côté humiliant de l’humanité moderne, que nous entreprenons d’examiner.

Après dix-huit siècles l’humanité peut encore se décomposer ainsi : une partie généreuse, instruite, ardente au bien, mais impuissante, comme tout ce qui est homme, à faire le miracle de la multiplication des vertus civiques : une masse considérable, prompte à l’enthousiasme, naturellement portée au bien, mais facile à tourner au mal. Son excessive sensibilité, alimentée par d’excessives souffrances, n’est ni tempérée ni dirigée par l’instruction qui affranchit l’homme des influences extérieures et en fait le seul juge de ses actions, criterium infaillible de ses actes politiques, dont l’effet est d’empêcher qu’une doctrine, une idée, ne devienne l’ambition de son cœur et le besoin de sa nature avant d’avoir été justiciable de son esprit. Alors seulement l’homme cesse d’être l’aveugle instrument des partis, et devient l’arbitre suprême et sans appel de ses destinées.

Au-dessous de la première de ces deux classes, derrière la seconde, se trouve enfin cette faction dont nous avons dit dès le commencement les passions et les tendances : parti du règne absolu et violent de la vérité dont il se prétend dépositaire ; héritier direct de cette Commune qui, pendant de longues années, avait donné le spectacle d’une minorité infime, suppléant au nombre par l’audace et au droit par la violence, et substituant à l’esclavage de la royauté l’esclavage, non moins