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Un enfant ouvrit. Son béret à la main, très poli, Jean demanda le contremaitre.

— Monsieur Coste ! — dit l’enfant.

Et il montra sous le hangar un gros homme qui donnait des ordres.

Jean le reconnut et perdit contenance. Mais « le père Coste », comme on l’appelait familièrement, affectueusement aussi, était bon enfant. On s’expliqua : on pourrait s’entendre ; seulement, il fallait se mettre d’accord avec le patron, ne pas se faire des ennuis avec la marine.

Deux jours après, Jean entrait au chantier.

Quand il revit Marie Coste, elle lui parut tout autre et il s’en troubla. Pourtant sa beauté se précisait mieux encore au grand jour, gagnait en éclat ce qu’elle perdait en mystère. Elle semblait une vraie fleur de son pays : — fine, au profil net, brune et dorée comme ces Maures qui passèrent là jadis en conquérants ravisseurs. Et le mouchoir à la bordelaise, ce turban accommodé spirituellement et qu’importa peut-être jadis quelque voyageuse revenue d’Orient, la coiffait le mieux du monde.

Jean fut reçu chez les Coste. C’étaient de bonnes gens, simples et aisés. La maman Coste apportait sur la table la soupière toute fumante et accueillait d’un sourire.

La fille aînée. Félicité, ambitieuse, très adroite, hantée de rêves de fortune, était depuis deux ans à Paris, dans le commerce.

Six mois après son entrée au chantier, Jean Kérouall épousait Marie Coste. Au bout d’un an de mariage, une fille, une petite Louise, naquit. Le jeune ménage était heureux, lorsque la guerre éclata.

Vers la fin de 1870, Jean fut incorporé dans la 4e division du 21e corps d’armée, sous les ordres du capitaine de frégate Gougeard. Il prit part, dans l’armée de Chanzy, à la bataille du Mans. Quand il rentra à Bordeaux, une seconde petite fille, une Élise, était survenue. Mais la guerre avait porté un coup terrible à la construction maritime. Dans les ateliers, les travaux languissaient, diminuaient de jour en jour. Le père Coste pensait à se retirer, à vivre de son mince avoir dans quelque coin suburbain.

Ce fut vers ce temps que, sa marraine étant morte, Marie