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Et il s’en alla dans la nuit, du pas léger et ferme de la jeunesse et de l’espoir…

Le lendemain matin, Rosalie annonça qu’on demandait à voir madame, de la part du baron Epstein. Puis un jeune homme parut, et tendit une lettre à laquelle monsieur le baron serait heureux d’avoir une réponse.

Ayant rompu le cachet armorié, Félicité lut ces mots tracés d’une écriture rapide :

Je me permets, madame, de venir dès ce matin prendre de vos nouvelles. Je me sens encore bien coupable envers vous, et je serais heureux de savoir que les ennuis causés par moi n’ont pas eu de suite. M’accorderez-vous la permission de venir m’en informer moi-même et aurez-vous la bonté de m’en fixer le moment ?

Croyez-moi

à vous très respectueusement,

fernand epstein

P.-S. — Vous trouverez ci-inclus un chiffon de papier : je vous supplie de l’accepter pour mademoiselle Louise, comme un premier témoignage de profonde amitié et de culte fervent.

L’enveloppe contenait un chèque de cent mille francs.

— Veuillez dire à monsieur le baron qu’il aura une réponse avant midi.

Depuis la veille, depuis le drame de l’avenue. Félicité n’avait pas revu sa nièce. Celle-ci, d’ordinaire, paraissait vers neuf heures, et l’on prenait ensemble le petit déjeuner. Mais, ce jour-là, elle ne s’était pas montrée. Un peu inquiète, Félicité entra chez la jeune fille et, à travers l’ombre qui emplissait encore la chambre, elle l’aperçut, à moitié vêtue, assise, accablée et défaite, avec ses longs cheveux répandus, qui faisaient d’elle l’image du repentir d’une faute non commise encore.

— Eh bien, ma pauvre enfant, — dit-elle, — tu allais donc te conduire comme une folle !

— Ma tante, — fit Louise, d’une voix brisée et qui s’entendait à peine, — j’ai réfléchi toute la nuit : il vaut mieux que je m’en retourne là-bas, chez nous.

— Écoute, ma petite fille, je ne te ferai pas de reproches, mais je te demande de m’expliquer à quoi tu pensais en t’engageant si aveuglément dans une pareille aventure.