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Et, comme Félicité était rentrée au salon pour préparer des boissons glacées :

— Si vous vouliez, — dit-il à Louise, — je vous emmènerais à la campagne, un de ces soirs… Dites que vous voulez bien.

Sa voix se faisait douce, insinuante, et, lui prenant la main, il semblait l’attirer à lui de toute la force de son désir.

Elle, comme vaincue, ne disait rien.

Puis, brusquement, il la quitta, et, s’approchant de Félicité :

— Nous venons de faire un projet, mademoiselle Louise et moi, — dit-il, du ton le plus naturel. — Je viendrai la prendre après-demain, pour aller dîner à Versailles. Quelques heures passées là-bas, sous les arbres, lui feront grand bien.

Félicité tendit au baron un verre d’orangeade, et l’on se mit à boire par petites gorgées, sans plus rien se dire. Enfin, pour rompre le silence, Félicité parla de la campagne, du repos qu’on y goûtait. Il est vrai qu’elle-même n’en avait guère joui, consacrant presque toujours ses vacances à quelque voyage.

Lorsque Fernand se retira, il resta entendu que, le samedi, à cinq heures et demie, il viendrait chercher Louise.

Et ce fut entre eux trois un accord tacite pour ne pas effleurer, pour laisser sous ses voiles, si légers pourtant et si palpitants, la chose délicate qui les avait réunis ce soir-là.


VIII


Quand, le samedi, elles revinrent ensemble du magasin, Félicité dit à Louise :

— Le temps est superbe. Mets ta robe blanche et ton chapeau rose : on est très élégant au restaurant de l’Abreuvoir.

Ce qu’il entrait de symbolique dans cette parure, ce par quoi elle évoquait les victimes antiques, pâles théories de vierges vêtues de blanc, couronnées de roses, pour se rendre au sacrifice, certes Félicité ne s’en doutait guère. Elle voulait que sa nièce fût jolie, et que sa toilette toute fraîche servît encore à rehausser sa beauté.

Félicité avait beaucoup de sens et de clarté dans l’esprit, elle ne le chargeait pas de vains scrupules. Elle était d’une race