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fines colonnettes accouplées, que reliaient entre elles des arcades. Sous chaque arcade était posée une fontaine en forme de coupe ; un groupe occupait le milieu. Louise et Fernand voulurent s’arrêter, s’assirent sur un banc de pierre. Un enchantement coulait en eux, les isolant, les enfermant dans cet endroit de rêve. La lumière jetait des taches d’or sur le sable ; des oiseaux, au milieu du grand silence, sautillaient dans l’herbe. Fernand glissa son bras autour de Louise. Elle sourit, s’émerveillant de la douceur des choses. Une langueur, un calme délicieux venaient à Fernand lui-même, apaisant sa fièvre et cette inquiétude qui toujours l’emportait au delà du présent.

— Tu n’es pas fatiguée, ma chérie ? — dit-il.

— Oh ! non, pas du tout… Au magasin il faut être sur ses jambes toute la journée, guetter les clientes à l’entrée, les escorter, leur essayer vingt chapeaux. Et puis, quand on croit en avoir fini, tout recommence à la porte, avec les recommandations, les hésitations. Laure disait l’autre jour : « Je parie qu’elles font moins de manières pour choisir leurs amants… »

Fernand offrit son bras et Louise s’y appuya légèrement. Ils rentrèrent pour déjeuner.

Vers deux heures, sous la poussée de la foule, ils s’en allèrent au bassin de Neptune : les grandes eaux éclataient.

Ce furent d’immenses jets, des gerbes irisées, qui s’entrecroisèrent, des panaches laissant retomber leur écume en longues chevelures blanches, puis s’éparpillant en poudre, en gouttes de cristal, le tout rythmé, mesuré, réglé comme par un professeur de danse.

Puis ce ne fut plus rien, et, de sa courte durée, ce spectacle prenait quelque chose de mesquin. L’effort combiné de la ville de Versailles et de la Compagnie de l’Ouest ne pouvait davantage, et sans doute fallait-il pour suffire à ces jeux magnifiques et fastueux l’oppression et la misère de tout un peuple.

La visite aux Trianons se fit un peu vite, à travers quelques bousculades. On parcourut rapidement et sans guère s’arrêter les appartements de la reine Marie-Antoinette. Dans la glace d’un petit salon, Louise s’aperçut tout à coup ; elle recula comme devant une vision : sur le miroir éteint, encadré de